Alix origines tome 1 : L'enfance d'un Gaulois
Les Aventures d'Alix, après avoir été enrichies des intéressantes séquelles Alix Senator, sont désormais complétées d'une préquelle intitulée Alix origines ! Un lecteur assidu des Aventures d'Alix tel que moi ne pouvait manquer de se pencher sur ce nouveau projet afin de mieux l'évaluer...
Résumé :
En l'année -61, Alix a sept ans : le moment pour lui de choisir où il ira terminer son enfance... A l'académie druidique de Diviciacos, il préfère la perspective d'une éducation plus concrète chez son oncle Omnios. Quelques années plus tard, le garçon déjà réputé intrépide et peut-être même tête brûlée s'intéresse moins au latin qu'aux leçons de combat prodiguées par son cousin Vanic. Pourtant, il se passionne pour les relations entre la puissance romaine et son peuple, celui des Eduens, au point de persuader Vanic de l'emmener un beau jour au congrès de Bibracte : les Helvètes se font menaçants, mais faut-il pour autant réclamer l'assistance des Romains ? Astorix, le père d'Alix, est un chef respecté qui se méfie des appétits de César, le chef militaire que Rome a envoyé en Narbonnaise pour garder sa frontière nordique... Mais d'autres chefs des Eduens jouent un tout autre jeu : s'agit-il de s'appuyer sur les Romains contre les Germains... ou l'inverse ? Alix pourra-t-il, du haut de ses dix ans, démêler l'entrelacs de complots qui menacent sa famille et la Gaule toute entière ?
Il est toujours délicat de raconter l'histoire avant l'histoire : toute bonne histoire possède un contexte qui peut être familier à son lecteur - et l'histoire se passe alors de réelle introduction - ou qui, ne l'étant pas, peut être décrit au fur et à mesure. L'exercice de la préquelle pose à mon sens un réel problème : le contexte étant posé par l'histoire elle-même, sa préquelle n'a pas besoin d'en introduire un nouveau ; son intrigue peut être liée à la première histoire - et alors, cela veut dire que celle-ci n'était pas complète - ou bien être au contraire tout à fait déconnectée de celle-ci - et alors, pourquoi ne pas l'avoir développée en tant que suite ? L'astuce narrative sélectionnée par les deux auteurs de cet album - Jacques Martin est crédité en tant que troisième auteur mais, comme le lecteur le sait, il n'est plus de ce monde - leur permet de contourner cette difficulté : Alix est un personnage gaulois que son inventeur n'a pas souvent confronté à sa propre culture, préférant l'exposer aux civilisations du bassin méditerranéen ou à celles de l'Orient proche ou lointain ; ici, Laurent Libessart et Marc Bourgne présentent un Alix plus jeune que jamais auparavant et en tout cas toujours gaulois, sa seule connexion au monde romain étant celle de la langue. Le personnage est donc presque une page blanche, d'abord parce qu'il est jeune, et ensuite parce qu'il n'a pas encore vécu les événements qui feront de lui un Romain par adoption. L'usage de la préquelle se justifie donc ici.
Au contraire de ce que l'on observait dans la série principale des Aventures d'Alix comme dans Alix Senator, le trait s'éloigne des caractéristiques de la ligne claire dont Jacques Martin était l'un des meilleurs dessinateurs - plus efficace peut-être qu'Hergé lui-même : Alix et les autres personnages récupèrent ici des visages très expressifs, à la faveur d'une transition graphique vers un dessin plus contemporain - et donc moins intemporel que la ligne claire - mais qui saura peut-être convaincre le jeune public, Alix origines étant de toute évidence un projet conçu pour s'adresser à celui-ci. La quadrature du cercle consistait en réalité à produire un album qui, tout en ne déroutant pas le jeune public, saurait parler aux vieux - voire très vieux ! - compagnons d'Alix. Pour les vieux routiers des Aventures d'Alix - dont je suis - les auteurs ont distillé quelques clins d’œil ou autres citations permettant de rattacher l'album à la mythologie d'Alix : le premier qualificatif qui lui est attribué n'est autre que celui d'intrépide, l'irruption d'un général romain du nom de Graccus préfigure le destin du jeune gaulois et la présence fortuite mais répétée d'un loup et de sa meute ne surprendra que les primo-lecteurs... Dernière touche délicate qui contribue à faire de cet album un objet plus intéressant qu'on aurait pu le croire au premier abord (la mode actuelle en BD franco-belge étant à capitaliser sur le succès d'une série en racontant l'enfance de son héros ou d'un personnage lui ressemblant) : les auteurs ont pris soin de s'appuyer sur une documentation actualisée qui se concrétise page après page et qui est résumée sous forme d'un dossier final. Jacques Martin était connu pour s'appuyer sur des données historiques fiables - mais l'archéologie permet de bien mieux connaître la civilisation gauloise à présent que ce n'était le cas lors de la première aventure d'Alix... de telle sorte que cet album irrespectueux de la ligne claire l'est beaucoup moins de l'Histoire que ceux où Jacques Martin montrait un Alix revenu en Gaule !
Laurent Libessart et Marc Bourgne ont-ils réussi la tâche dangereuse qui leur avait été confiée ? Oui, sans nul doute. Sous leur pinceau et stylo, Alix trouve une première - et nouvelle ! - jeunesse mieux qu'acceptable. Cela mérite bien de leur faire confiance pour la prochaine itération de ce projet...
Commentaires
Je devrais peut-être me pencher sur ce cycle bien qu'il me paraisse imposant. S'il est trouvable en médiathèque, pourquoi pas ?
Aoutch... Merci d'avoir attiré mon attention sur ce beau contresens que j'ai corrigé...
Pour le moment, ce cycle n'est pas imposant : un seul album paru et aucune idée encore de ce qu'il reste à paraître. Je pense que ça sera selon succès...
L'inconvénient d'"Alix", c'est que certains albums ne sont pas très passionnants voire pas très bons... Pour débuter, j'aurais tendance à suggérer "Le Dernier Spartiate" et "L'Enfant grec". "Le Dieu sauvage" et "Le Spectre de Carthage" sont pas mal mais leur parfum de "réalisme fantastique" peut rebuter. "La Tour de Babel", en plus, a un scénario parfois un peu faible...