Blake et Mortimer tome 26 : La vallée des immortels 2/2
L'année dernière, je parlais ici du premier volet de cette nouvelle aventure de Blake et Mortimer : signée Sente, Berserik et van Dongen, cette nouvelle itération d'une série familière ne m'avait pas convaincu au terme de sa première moitié. La question était posée de savoir s'il serait possible d'y arriver au terme de la seconde...
Résumé :
Le professeur Mortimer a disparu ! Enlevé par l'affreux Olrik pour l'occasion grimé en honnête ingénieur de la colonie de Hong-Kong, le voici parti pour un voyage improbable - à l'intérieur d'un coffre de voiture puis à bord d'un avion - alors que tout le monde le croit encore quelque part sous juridiction britannique. La destination n'est autre que le campement du seigneur de la guerre Xi-Li, déterminé à faire valoir ses droits au trône impérial de la Chine alors même que l'Armée rouge de Mao est en train de mettre les nationalistes en déroute. Pour asseoir ses ambitions, Xi-Li aura besoin d'un peu plus que les vieux documents que seuls quelques lettrés savent déchiffrer... Quel rôle Mortimer est-il appelé à jouer dans ce complot ? Comment Blake va-t-il retrouver son vieil ami ? Olrik va-t-il enfin accomplir sa vengeance ?
Dans l'Histoire que nous connaissons, après la défaite japonaise, la Chine continue à être un champ de bataille entre nationalistes et communistes. Dans le contexte historique de Blake et Mortimer, la seconde moitié des années 40 est troublée par la Troisième Guerre Mondiale : l'erreur faite par les auteurs de cet album a été de chercher à tout prix le pont entre l'Histoire de notre monde et la mythologie de la série. L'exercice était périlleux, comme les premières pages du premier volume l'annonçaient déjà, et la justification de l'ensemble apparaissait bien fragile au bout de la moitié du temps fictionnel. Il s'avère que, comme on pouvait le craindre, la seconde moitié ne réussit pas à sauver les meubles. Toujours plus embrouillée, l'intrigue chinoise - oscillant entre l'ambiance trouble des années 40 finissantes, l'histoire dangereuse de l'unification du pays sous Qin Shi Huang et même le réalisme fantastique - devient illisible. De l'épopée de Mortimer en Chine du Sud, on ne retiendra pas grand-chose ; du sauvetage par un Blake ayant recours à l'un de ses déguisements favoris non plus. L'album culmine avec un duel aérien grotesque entre une Aile Rouge tout droit sortie du Secret de l'Espadon et un engin capable de décoller à la verticale - inventé par Mortimer ainsi qu'il se doit... et la chose se termine presque en queue de poisson : Olrik s'échappe sans avoir été repéré par ses deux meilleurs ennemis et une partie indispensable du développement semble évacuée par le rêve.
Comment croire à ce Blake et Mortimer quand à la fragilité du scénario s'allie à un trait on ne peut plus décevant ? Les premiers Blake et Mortimer de Jacobs n'étaient pas aussi maîtrisés que leurs successeurs - mais néanmoins, on est loin ici de la perfection technique dont le troisième grand de la ligne claire (avec Martin et bien sûr Hergé) avait fait sa signature. Les couleurs semblent ternes, les décors peu intéressants : l'hommage appuyé au Lotus Bleu d'Hergé semble raté malgré moult citations parfois maladroites comme cette furtive apparition d'un certain Tchang au détour d'une page... Même les personnages ne sont pas épargnés : les habituels n'ont qu'une faible variété d'expressions, et les nouveaux ont une gueule de caricature ou même de cire. C'est à tel point que l'album finit par ressembler à son brouillon : le graphisme ne le sauve pas de son scénario défaillant comme c'était le cas pour Le dernier pharaon. Quel dommage d'avoir à lire un album de Blake et Mortimer aussi peu réussi ! On souhaite aux deux héros d'Edgar P. Jacobs de connaître des jours meilleurs très bientôt...
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