Méto tome 2 : L'Île
L'année dernière je parlais du premier volume de la BD Méto, l'adaptation de la dystopie d'Yves Grevet : une histoire intrigante, servie par un dessin à la fois beau et dérangeant... et quoi qu'il en soit un album à même d'éveiller ma curiosité quant à ses suites !
Résumé :
Pour Méto et pour d'autres garçons, l'heure est à la révolte contre la Maison, les Césars et les règles qui organisent leurs vies : la solution qu'ils adoptent est celle de la fuite - mais s'échapper n'est pas si facile. Afin de forcer le passage, il sera nécessaire d'attendre le moment propice et donc le départ des soldats qui soutiennent l'ordre des Césars... mais aussi trouver le moyen de percer le secret du coffre aux clés. Dans leur mutinerie, les garçons trouveront une aide inattendue chez les serviteurs de la Maison - mais les Césars eux-mêmes se révéleront plus coriaces qu'ils ne l'auront prévu. Et à l'extérieur, c'est un monde aux règles nouvelles qui les attend, tout aussi dur peut-être que la Maison. N'y a-t-il aucune échappatoire pour Méto et pour ses amis ? Qui sont-ils puisque leurs identités ont été reconstruites ? Et qui est le chamane dont les évadés de la Maison ne parlent qu'avec une révérence confinant à l'effroi ?
La Maison était un monde auquel Méto, le protagoniste principal de cette histoire, s'était adapté avec talent au fil de ses années de captivité. La narration le propulse ici dans un autre monde, fait lui aussi de règles et de non-dits - à ceci près qu'il se retrouve à nouveau dans la peau du novice. L'Île est donc un monde à elle toute entière, un monde qui contient celui de la Maison ; un monde que la Maison ne contrôle pas tout à fait et où s'opposent des forces antagonistes. Les Césars, serviteurs peut-être d'un sadique - à moins qu'il ne s'agisse d'un savant fou - ne sont eux-mêmes que des pions d'une force supérieure à celle des garçons... dont ils ont sans doute occupé jadis la place. Ainsi l'ordre de la Maison semble-t-il n'être qu'un élément d'un ordre plus grand, plus hostile, qui organise un univers de danger où il est facile de mourir et où les règles sont contraignantes y compris pour qui ne les connaît pas. Là où le premier volume distillait le malaise page après page, celui-ci se fait encore plus inquiétant : la Maison était accueillante en apparence - mais il s'agissait en réalité d'une dictature ; l'Île est riche de ressources et de nature dont les garçons étaient privés au sein de la Maison - mais il faut s'y battre et lutter pour survivre.
La société de la Maison avait des allures de pensionnat anglais, celle de l'Île a quant à elle une certaine parenté avec celles des robinsonnades - mais chacun des deux groupes n'est composé que de garçons ou d'hommes si bien qu'ils puent tous deux la sexualité réprimée. La violence qui s'exprime - à travers l'exutoire du sport collectif au sein de la Maison, et à travers celui de la lutte ritualisée parmi les "oreilles coupées" qui l'ont fuie - semble être la conséquence logique de l'absence de toute forme de sexualité récréative : j'ignore quelle place l'auteur du livre adapté ici donnait à cette dimension, qu'il me semble difficile de ne pas prendre en compte... Par ailleurs, l'irruption d'un personnage féminin dissimulant son sexe témoigne aussi de ce que les deux sociétés antagonistes sur cette Île truquée sont artificielles, malades et condamnées puisque la sexualité reproductrice en est tout aussi bannie : on ne peut pas se reproduire sur l'Île puisqu'il ne s'y trouve en théorie que des individus de sexe masculin et d'ailleurs les garçons les plus âgés - soit donc ceux qui sont susceptibles de participer à la reproduction - subissent une transformation déshumanisante en soldats. Le cerveau qui a pensé cette monstruosité ne l'a pas fait pour construire une utopie, c'est certain - et c'est ainsi que l'univers de Méto prend toutes les formes de la dystopie. Celle-ci n'est pourtant pas tout à fait désespérée : il existe un Monde qui englobe l'Île tout comme celle-ci englobe la Maison - mais si ce Monde va mal, s'y trouvent d'autres forces comme la présence du chamane le laisse à penser...
Au fond, Méto a-t-il bien quitté la Maison ? Les apparences sont trompeuses et s'il n'est plus dans les murs - ou pas - Méto reste soumis aux règles de l'Île, dont l'essence est identique à celles de la Maison. L'album réussit donc le tour de force qui consiste à raconter la même chose mais d'une façon tout à fait différente et sans trop en révéler de son propre contexte : c'est rare, mais le troisième et dernier volume de cette histoire s'annonce donc bel et bien comme celui de tous les dangers, car il faudra dévoiler beaucoup. Le faire trop vite s'apparenterait à réciter un catalogue ; en dire trop peu équivaudrait à s'abstenir et à décevoir. Néanmoins, ne boudons pas : le danger ne s'est pas réalisé cette fois-ci - et le second volume de Méto est très réussi...
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