Le soulèvement de Persépolis
The Expanse, le grand space-opera de James S. A. Corey, revient pour sa septième livraison. Après avoir rebattu les cartes, le précédent volet promettait l'ouverture d'un nouveau cycle au sein de cet univers toujours plus dantesque : nous allons voir si Le soulèvement de Persépolis est à la hauteur des attentes...
Résumé :
Trente ans ont passé depuis les actes terroristes qui ont frappé la Terre. James Holden et l'équipage du Rossinante ont vieilli mais ils ont eu la satisfaction de voir prospérer le système politique pour lequel ils ont tant œuvré : les Ceinturiens ont enfin trouvé leur place dans le concert universel et contrôlent la station Médina, au moyeu de l'univers que les Portes ont ouvert à l'humanité. Les éléments les plus radicaux de toutes les factions semblent désarmés : planètes intérieures unies sous la bannière de la Coalition Terre-Mars, Ceinturiens maîtres de leurs nouveaux privilèges de transport et coloniaux dépendant de l'ouverture des routes commerciales... C'est à ce moment que la porte de Laconia, fermée depuis trente ans par les mutins de Winston Duarte, s'ouvre à nouveau en laissant passer un vaisseau de guerre aux lignes et à la technologie inconnues... promettant de redéfinir en profondeur tous les équilibres établis. S'ouvre alors, pour l'équipage du Rossi comme pour le système solaire, une époque incertaine de conflits et de dangers dont tous ne sortiront pas indemnes...
Mis à part l'incursion extrasolaire des Feux de Cibola, l'auteur (bicéphale) de The Expanse cantonnait son exploration de son propre univers au seul système solaire et parvenait à y trouver les dimensions d'émerveillement que le space-opera atteint quand il est réussi. Prenant en compte les réalités de la vie humaine jusque dans ses aspects les plus triviaux lorsqu'il s'agit de la transposer à l'environnement très inhospitalier que constitue l'espace, The Expanse questionne avec humanisme - comme Leo essaie de le faire en planet-opera ! - les relations de l'être humain aux nouvelles frontières et aux dangers inconnus qui s'y associent. Les portails apparus plus tôt dans la série promettaient d'ouvrir de nouvelles interrogations : le risque était de voir le schéma de The Expanse se faire de plus en plus répétitif, comme je le pointais déjà dans certaines de mes chroniques précédentes. Afin de s'obliger à sortir de ce piège, les auteurs avaient forcé les personnages à se séparer au moment même où se tramait un lourd complot contre la Terre et avaient su renouveler leur oeuvre. Dans ce contexte, le changement d'époque - un bond de trente ans, ce n'est pas négligeable - prenait tout son sens : passer sous silence les événements qui se sont produits dans l'intervalle, ou se contenter de les résumer, c'est signaler au lecteur qu'ils relèvent au fond de la routine. On comprend que les décennies écoulées ont donc permis l'établissement des premiers jalons d'une civilisation interstellaire : après les premiers temps de la colonisation extrasolaire viennent ceux de l'organisation des relations entre anciennes et futures puissances. Dans ce "jeu des trônes" de l'espace à peu près pacifié, certains "joueurs" ne semblent pas déterminés à considérer leur rôle comme politique - et c'est ainsi que la société interstellaire assez tranquille sortie du chaos de la guerre semble presque dépolitisée : les systèmes qui ont des velléités d'indépendance ou d'association trop marquées sont presque suspects aux yeux des Ceinturiens qui contrôlent la station Médina et donc le commerce par les Portes.
Dans ce contexte qui - comme je le disais dans ma chronique précédente - n'est pas sans rappeler le partage des tâches à l'échelle galactique observé dans le Cycle de Dune, l'irruption d'un Etat impérialiste et centralisé vient bien entendu bouleverser les règles du jeu. Winston Duarte, Haut-Consul de Laconia (soit donc parfait modèle de dictateur charismatique et en réalité de gourou), témoigne du retour brutal de la politique dans l'expérience du présent pour les personnages. Le projet de Duarte n'est autre que politique puisqu'il s'agit de remodeler toutes les relations interstellaires : au système de souveraineté partagée ou en tout cas co-gérée qui s'était formé en son absence, il veut substituer une hiérarchie d'autant plus pyramidale que les dernières avancées biotechnologiques lui permettent bel et bien de monopoliser l'immortalité. Plusieurs attitudes sont possibles face à la suprématie militaire qu'il apporte avec lui sur l'échiquier : la soumission (et donc, l'absorption à terme dans un système totalitaire dont les éléments humains ne sont que de simples engrenages), la résistance (option risquée compte-tenu du nouveau déséquilibre des forces, et ne permettant que de remporter quelques succès d'estime lors de batailles relevant de la guérilla)... ou peut-être la fuite, l'immensité de l'espace pouvant se révéler à la fin trop vaste même pour l'hybris de Duarte. Devant ces choix difficiles, tous les "vieux" personnages de The Expanse vont devoir se positionner : il n'est pas trop compliqué d'imaginer comment le feront les individus qui gravitent autour de Holden, même s'il peut l'être un peu plus pour d'autres personnages devenus importants au fil des nouvelles parutions. Après avoir donc redéfini l'organisation de leur univers, les auteurs de The Expanse recommencent à en rebattre les cartes puisqu'ils en remanient le paysage humain. Si le noyau dur de l'équipage du Rossinante ne sera pas bouleversé - encore qu'un personnage capital sera mis à l'écart suite à sa capture par les Laconiens - d'autres vont mourir ou "plier le genou"... et donc, dans les deux cas, perdre de leur influence dans le futur de l'histoire.
Après les intrigues politico-militaires des premiers cycles de The Expanse, le présent volume offre un renouvellement très bienvenu en proposant les premières phases d'une guerre asymétrique. Les leaders de la "bande du Rossi" sont devenus âgés mais n'ont rien perdu de leur courage et, au fond, de leur idéalisme. Les héros ne sont donc pas fatigués, puisqu'ils envisagent de se lancer dans une guérilla galactique dont l'enjeu est rien de moins que la structuration définitive de l'espace humain. Toute la question est de savoir comment les auteurs sauront conclure cette nouvelle phase et peut-être leur série en continuant à surprendre... Bravo en tout cas !
Ne manquez pas l'avis de Gromovar !
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