The Last Emperox
Ces jours-ci est paru le troisième et dernier tome de The Interdependency : trilogie de space-opera signée John Scalzi, dont l'ambiance asimovienne m'avait convaincu au point d'interviewer son auteur aux Utopiales 2018 ! J'attendais donc cette sortie avec une certaine impatience...
Résumé :
Grayland II a réussi à faire enfermer la plupart de ses ennemis et à stabiliser sa main-mise sur l'Interdépendance, mais la tâche qui l'attend reste titanesque : il lui faut évacuer ses vingt milliards de sujets à travers le réseau du Flux jusqu'à la planète Fin avant que les courants ne s'effondrent pour de bon, alors même qu'il n'y a pas assez de vaisseaux pour assurer le transport des voyageurs et que l'écosystème de la planète ne saurait survivre à leur arrivée de toute façon... La famille Nohamapetan par ailleurs n'a pas désarmé : Ghreni contrôle toujours Fin et interdit à l'Interdépendance d'y accéder, alors que Nadashe a réussi son évasion et fomente un nouveau complot. Et si les recherches de Marce Claremont - devenu concubin de l'Emperox - progressent peu à peu, saura-t-il acheter assez de temps à Grayland II alias Cardenia pour qu'elle sauve l'Interdépendance ?
Quêtes interstellaires, péril existentiel pesant sur une civilisation, et une sous-branche des "sciences dures" comme argument du récit : The Interdependency endossait dès ses premiers développements des accents dignes de Fondation. Si toutefois Isaac Asimov envisageait pour sa propre version de l'Empire galactique un effondrement d'ordre socio-économique, le fait est que John Scalzi - homme de nos temps troublés - a préféré dépeindre une autre sorte d'effondrement : le Flux est, s'il faut le rappeler, un phénomène naturel dont le service peut subir des interruptions momentanées ou permanentes. Le premier volume de cette histoire montrait quelle était la nature du péril - chaque système de l'Interdépendance, par définition, dépend de tous les autres pour son approvisionnement alimentaire et l'interruption du Flux implique l'effondrement de chacun d'entre eux - et le deuxième quant à lui révélait que, peut-être, la situation actuelle était une conséquence lointaine d'un bidouillage des lois de la physique destiné à isoler de la Terre les futurs systèmes de l'Interdépendance. La cause de l'effondrement qui guette l'Interdépendance n'est donc pas liée qu'aux seules activités humaines, elle est au moins en partie naturelle, et les différents protagonistes humains doivent prendre en compte les données implacables de la science avant d'agir. Là où la psychohistoire d'Asimov proposait une solution clé en main - le Plan Seldon - la physique du Flux que Marce Claremont s'échine à décrypter ne fait rien d'autre que souligner l'étroitesse de l'impasse... et les solutions envisageables sont de toute façon coûteuses à mettre en oeuvre, ou même pas encore mûres alors que le temps presse.
L'univers décrit par Scalzi est pourtant asimovien même si l'effondrement proposé ici ressemble à un contrepoint de celui prophétisé par Hari Seldon. Dans les deux cas, l'avenir de la civilisation est barré par le chaos et la barbarie ; la science peut apporter certaines réponses mais leur mise en oeuvre nécessitera des choix politiques dont certains peuvent être délicats. Les deux premiers volumes révélaient comment l'Emperox Grayland II consolidait sa base de pouvoir : si sa position semble désormais assurée au début de ce dernier volume, il est clair que les choix civilisationnels à faire s'annoncent douloureux. Au fond, qu'est-ce qui fait l'Interdépendance ? Est-ce sa structure de pouvoir... ou bien est-ce sa population ? S'agit-il de ses détenteurs de capitaux... ou de ses pourvoyeurs de travail ? Selon la réponse que l'on fournit à cette question, peuvent se définir deux philosophies politiques bien distinctes et aux implications opposées puisqu'il s'agit de sauver soit la structure économique de la civilisation, soit sa diversité culturelle et génétique. Le choix n'est donc pas anodin et Scalzi faisant très bien son travail, les deux options seront envisagées par des camps antagonistes. Si la première réponse est aussi la première à être suggérée, la seconde peut être devinée à l'avance par le lecteur : la leçon de SF est impressionnante puisque l'auteur prend soin, au fond, de casser son jouet pour les besoins de sa démonstration... à tel point qu'il me semble difficile d'imaginer comment il pourrait en revenir plus tard à cet univers !
C'est en fait pour cette raison que sans pour autant décevoir (parce que c'est un très bon livre) The Last Emperox pourra ne pas satisfaire son lecteur autant que les deux précédentes itérations. John Scalzi est un auteur talentueux, qui sait à quel moment terminer son histoire... mais les choix de l'écrivain, parfois, sont difficiles à entendre - ou accepter - par le lecteur !
Ne manquez pas non plus l'avis de Gromovar !
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