Harrison Harrison
Voir l'ami Gromovar lire du jeune public est assez rare pour attirer l'attention. C'est pour cette raison que je me suis intéressé à cette lecture assez courte...
Résumé :
Harrison a perdu sa jambe à l'âge de trois ans, lors d'un accident de bateau qui l'a rendu orphelin de père par la même occasion. Sa mère, biologiste marine, l'arrache un jour à la Californie pour une campagne d'étude en Nouvelle-Angleterre - sur les traces d'un céphalopode marin très mal connu. Pour Harrison, Dunsmouth va vite se révéler oppressante : réseaux mobiles absents, cursus scolaire obsolète, habitants presque difformes et taiseux... Et pour couronner le tout, voici que sa mère disparaît en mer quelques jours après leur arrivée ! L'irruption de sa tante va l'inciter à mener sa propre enquête... Quels sont les ignobles secrets de Dunsmouth ? Pourra-t-il sauver sa mère ?
Si je ne connais rien ou presque de l'oeuvre de Lovecraft, je connais le nom d'Inssmouth - ville fictive de Nouvelle-Angleterre apparaissant dans plusieurs de ses textes. La ville où se noue l'intrigue du présent roman doit plus à celle de Lovecraft que la seule proximité de leurs noms... l'enquête conduite par le jeune héros de l'histoire finissant par montrer qu'à Dunsmouth comme à Innsmouth, l'allure pervertie des autochtones provient du pacte qu'ils ont conclu avec des êtres surnaturels. L'hérédité, à Dunsmouth comme dans ce roman, constitue un personnage à part entière. Harrison porte un double fardeau héréditaire : celui de son nom de famille - que son prénom redouble, d'où le titre étonnant de ce livre - et celui des circonstances dans lesquelles son père a disparu. Hérédité contrariée : il n'a que peu de relations avec les autres membres de sa famille et en particulier avec son propre grand-père paternel. Hérédité chargée aussi pour les habitants de Dunsmouth dont certains semblent avoir frayé avec des cousins très éloignés dans l'arbre phylogénétique...
Les bizarreries de l'oeuvre ne suffisent toutefois pas à en signer l'appartenance au genre de l'horreur juvénile. Même parmi les personnages pittoresques rencontrés à Dunsmouth, Harrison "au carré" saura trouver des alliés dont l'un - bien que le plus monstrueux de tous - va se révéler le plus utile dans la progression de l'intrigue. L'horreur, à Dunsmouth, ne s'exprime pas qu'à travers des monstres biologiques : elle se développe à travers des pratiques occultes - à moins qu'elles ne soient rituelles - qui finissent par faire système et devenir horrifiantes. Ce à quoi le jeune Harrison est confronté, au-delà des anomalies biologiques, au-delà du surnaturel et au-delà même des non-dits d'une ville maudite, c'est bel et bien à l'exercice d'un pouvoir pyramidal et à l'influence d'une secte apocalyptique... Et l'horreur ne prend pas fin une fois le livre terminé, bien au contraire : parfois, même un exploit ne suffit pas au rétablissement qu'espérait obtenir le héros.
L'oeuvre est illustrée par Nicolas Fructus, qui a su capturer le caractère dérangeant et même anormal des personnages de l'histoire, ce qui ne gâche rien au plaisir de la lecture... En ce sens, Harrison Harrison constitue un roman jeune public atypique et fascinant : bravo !
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