Inconnue à cette adresse
De Silène Edgar je n'ai encore jamais rien lu : la présence de cette nouvelle au sommaire de l'Anthologie des Utopiales 2019, dont elle est la dixième, est l'occasion d'une découverte...
Résumé :
Marianne et Max échangent des nouvelles par mail. En l'an 2032, la France n'a pas encore récupéré de la crise et Marianne s'émerveille dans un premier temps de pouvoir s'installer dans un si bel appartement parisien : sa richesse acquise aux Etats-Unis lui donne tous les moyens dans un pays appauvri... De son côté, Max travaille sur une IA permettant de simuler l'avenir : les calculs qu'elle fait donnent des résultats de plus en plus inquiétants. L'Histoire est-elle appelée à se répéter ?
L'Histoire enseigne que quatre années séparent le krach de 1929 et l'arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne. Les crises économiques se prolongent en crises sociales : sur le terreau d'un système politique chancelant, elles peuvent entraîner la germination de véritables aberrations. Silène Edgar suggère ici que les mêmes causes produisent les mêmes effets, une fois les conséquences oubliées au bout d'un certain temps.
L'argument science-fictif utilisé ici n'est autre qu'un genre de psychohistoire assistée par ordinateur. Les modèles mathématiques faisant tourner les machines, alimentés par le travail des collecteurs de données, prédisent aussi bien 1933 - bien sûr à titre rétrospectif - que 2033. Et les personnages de cette nouvelle se voient donc pris dans un piège sans issu, leur avenir étant barré par le destin... L'autre argument de cette nouvelle est bien sûr sa dimension humaine : la psychohistoire d'Asimov ne s'intéresse pas aux individus mais bel et bien aux grandes populations... et le piège imaginé par Silène Edgar ne néglige pas les affects humains, dont certains sont verrouillés bien avant le début de l'intrigue.
Une nouvelle sombre mais néanmoins fort intéressante, qui contribue avec puissance à cette anthologie.
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