La promesse du monstre
Je n'ai que très peu chroniqué Claude Ecken sur ce blog : la dernière nouvelle de l'Anthologie officielle des Utopiales 2019 étant de lui, l'occasion m'était donnée d'explorer son oeuvre de plus près !
Résumé :
Fleur Devène est psychologue judiciaire : elle reçoit pour évaluation nul autre qu'Edward Tangless, un mathématicien bio-informaticien que la société Végental assigne en justice en l'accusant de sabotage. Si l'individu se révèle imprévisible et même illisible pour la psychologue toute chevronnée qu'elle soit, la démarche qu'il dévoile au fur et à mesure de leurs rendez-vous lui semble de plus en plus convaincante... jusqu'au point où elle renonce tout à fait à sa réserve professionnelle et porte assistance à l'accusé ! Qu'est-ce qui la pousse à aider un homme aussi étrange que Tangless ? Et quelles conséquences pour elle pourrait bien avoir cette fréquentation ?
Le monstrum des Romains était l'être ou le signe hors de la normalité, celui que l'on montrait du doigt et qui s'apparentait au présage - bon ou mauvais ; en biologie, le monstre est l'être qui échappe à la norme génétique ou environnementale de son espèce et en ce sens, il peut être synonyme de mutant. La mutation ne suffit pas à rendre l'individu monstrueux : si elle est héritée d'un monstre ancestral, alors la monstruosité peut devenir une norme ! Claude Ecken s'intéresse ici aux deux dimensions de la monstruosité chez l'être humain : la biologique et la psychologique, lesquelles se recoupent dans le champ du comportement.
Les deux personnages autour desquels gravite l'intrigue de cette nouvelle assez longue sont tous deux monstrueux à divers aspects : l'un par son détachement aux conventions des relations humaines - ainsi que par le talent qui lui permet de produire un modèle inductif d'une robustesse à toute épreuve - et l'autre par sa capacité à "lire" ses pairs. Si les deux types d'aptitudes semblent contradictoires, elles donnent pourtant des résultats qui se recoupent et le rapprochement des deux individus au fil de l'histoire en apparaît fort logique. L'affaire judiciaire qui occupe la narration en ressort du coup presque secondaire : ce qui compte, c'est que les "monstres" se reconnaissent entre eux - et qu'ils aient l'opportunité, peut-être, de définir une nouvelle normalité.
Sans avoir l'air d'y toucher, Claude Ecken parle ici de post-humanité en devenir avec un talent consommé... bravo !
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