Les ferrailleurs du cosmos
D'Eric Brown j'ai déjà chroniqué deux nouvelles parues dans des numéros de Bifrost. Le présent roman est en réalité un fix-up de plusieurs textes dont les deux évoqués auparavant : l'occasion m'était donc donnée de mieux comprendre les liens entre les trois intrigants personnages que j'avais découverts il y a plus de huit ans...
Résumé :
Parmi les ferrailleurs du cosmos, il y a l'équipage du Loin de chez soi : Ed en est le pilote et Karrie la mécanicienne. Tous deux ont déjà roulé leur bosse dans tous les coins de l'Expansion depuis des décennies quand Ed embauche Ella, une jeune femme à peine adulte qui éveille chez lui de vieux souvenirs nostalgiques. Mais Ella n'est pas n'importe quelle copilote : c'est une intelligence artificielle intégrée à une corps biologique... et elle est pourchassée par les drones-araignées de la firme qui l'a créée. A peine Ed lui a-t-il donné asile à bord de son vaisseau que Karrie la prend en grippe... Ella pourra-t-elle échapper toujours à ses propriétaires légitimes ? Parviendra-t-elle à comprendre la condition humaine ?
Chacun des chapitres de ce roman assez court peut être lu de façon indépendante, comme en témoigne d'ailleurs la parution partielle dans Bifrost : si le trio des personnages ne change pas, chaque nouveau système exploré - chaque épave récupérée - devient propice à une aventure nouvelle dont certaines seront même très périlleuses. Dans ce futur lointain mais peut-être pas tant que ça, l'espèce humaine s'aventure dans son voisinage galactique : elle y côtoie des intelligences différentes, s'intègre dans des réseaux commerciaux ou diplomatiques et doit parfois livrer bataille. A petite échelle, ces contacts pas toujours amicaux peuvent engendrer des traumatismes alors qu'à grande échelle ils se résument à des accrochages : une fois une zone instable identifiée, il suffit d'arrêter de la fréquenter pour éviter les ennuis... ou bien d'y revenir quelques années plus tard histoire de récupérer un pactole sous forme d'épaves à recycler. C'est le boulot parfois dangereux, souvent ingrat mais en tout cas rémunérateur que font Ed et Karrie bientôt assistés par Ella : véritables ferrailleurs de l'âge de l'espace, ils remplissent des fonctions triviales mais pourtant utiles.
Dans cet univers, l'intelligence foisonne et celle de l'humanité n'a rien de particulier. Entités extraterrestres étonnantes, intelligences artificielles pas toujours serviables : toutes sont ici pour rappeler sa condition à l'être humain. Les formes de vie biologique sont fragiles et l'espace n'est pas toujours le milieu le plus dangereux pour elles : ainsi, leurs sociétés se montrent souvent plus destructrices encore que le vide... et l'être humain n'a pas le monopole de l'agressivité ou de la cruauté gratuite. Les énigmes extraterrestres seront parfois l'argument d'un chapitre sans pour autant que leur résolution ne vienne parasiter la progression du récit : ce que l'auteur nous raconte ici, c'est avant tout une histoire de personnages qui découvrent peu à peu leur propre humanité. Confronté à la différence - intellectuelle, biologique, sociale... ou même à celle de la foi - Ed, Karrie et même Ella comprennent qu'être humain n'est pas qu'une expression puisque cela signifie agir en soupesant toujours ses options. Certains choix peuvent être coûteux - mais ils ne le sont jamais autant que de vivre avec les conséquences du choix opposé, comme l'épilogue de cette histoire permet de le faire comprendre à Ed...
Les ferrailleurs du cosmos, avec son titre qui évoque si bien ceux de l'Âge d'Or, propose comme eux le rêve et le sense of wonder - sans oublier de s'interroger avec volontarisme sur le propre de l'humanité au sein d'un univers indifférent. Bravo !
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