Méto tome 3 : Le Monde
Ces jours-ci sortait le troisième et dernier tome de la BD Méto, adaptée de l'oeuvre d'Yves Grevet.
Résumé :
La Maison a repris Méto. Les Césars, gardiens de l'ordre intérieur, obéissent eux-mêmes à des règles émanant de plus haut : Jove, leur supérieur, s'intéresse de près au potentiel de Méto qu'il veut façonner comme un instrument contre la rébellion qui couve au sein même de la Maison et sur l'Île... Toujours conseillé par Romu - l'étrange fils de Jove - Méto va faire profil bas pour enfin conquérir la confiance des maîtres de la Maison. L'enjeu est immense : aux côtés d'autres garçons, il va intégrer l'élite - celle des agents de la Maison sur le continent... Quand sera-t-il prêt à défier pour de bon Jove et ses propres maîtres ? Pas avant, sans doute, d'avoir compris dans quel état est le Monde - et pas avant, peut-être, d'avoir percé le secret de ses origines...
Dénonciation, évasion et proposition : voici quelles sont les trois dimensions à explorer pour qu'une dystopie ne soit pas tout à fait manquée. Les trois volumes de Méto semblaient à première vue pouvoir correspondre à ce triptyque : La Maison était l'occasion de dénoncer le système carcéral de cet étrange pensionnat ; L'Île permettait de montrer une tentative d'évasion et donc d'un assouplissement des règles - car lorsqu'on s'évade, le système vit encore dans nos têtes... Le Monde était alors censé proposer un dépassement du système initial et donc l'entrée dans un nouveau cadre intellectuel, plus propice à l'épanouissement des protagonistes. Les images finales - où les anciens prisonniers redécouvrent la notion de démocratie et brisent leurs lits trop petits comme les esclaves ayant suivi Spartacus avaient brisé leurs chaînes - semblent appuyer cette interprétation même si leur nature bien peu originale ne convainc pas tout à fait.
Mais au fond, la révolte quasi prolétarienne de Méto est-elle viable dans le contexte qui est celui de cette oeuvre ? Le dernier volume d'une trilogie possède souvent un rôle redoutable, celui de contraindre l'auteur à sortir de l'ambiguïté en lui faisant abattre son jeu d'un seul coup : pas de suite où terminer le travail, et des fils d'intrigue à nouer pour de bon... Le choix fait par les auteurs de Méto consiste à révéler au lecteur que ce Monde est uchronique : quelque chose a mal tourné, dans un passé pas si lointain, qui a entraîné l'émergence d'une véritable "dictature de salut public" à l'échelle mondiale dont le triumvirat s'est arrogé les noms de César, Marc-Aurèle et Hadrien ! L'introduction tardive de cette notion uchronique dans la narration gêne son développement et ne permet pas d'en tirer toutes les conséquences : si la dystopie est censée tendre un miroir déformant à nos sociétés qui peuvent alors y contempler leurs défauts enflés jusqu'au monstrueux, l'uchronie quant à elle questionne l'Histoire et son éventuel sens. Dans un monde où l'année 2020 a rappelé que les désastres microbiologiques ne sont le plus souvent pas liés à une intentionnalité humaine, que questionne donc Méto ?
Le défaut majeur de ce troisième album est toutefois autre encore. La narration des deux premiers volumes avait adopté un ton elliptique - certes propice à l'ambiance dystopique où les personnages ne savent pas tout et dissimulent ce qu'ils savent puisqu'en savoir trop rend suspect - dont il fallait toutefois sortir, d'une façon ou d'une autre ; si les auteurs dévoilent enfin leurs intentions comme je le signalais dans le paragraphe précédent, il faut bien admettre qu'ils le font à la fois trop et pas assez : trop car le lecteur se voit soudain presque submergé d'informations, pas assez car les déductions qu'ils attendent sont parfois très ambitieuses. Et donc, la narration reste elliptique - non plus au sens conceptuel mais bel et bien à celui plus temporel de l'expression ! En effet, Méto jusqu'à présent s'était racontée avec une certaine forme de lenteur pour ne pas dire de majesté : tout ici semble s'accélérer, au point où le lecteur finit par ne plus très bien comprendre comment les personnages passent d'un lieu à l'autre et comment leurs actions s'articulent...
Après deux très bons premiers albums, Méto finit donc hélas par décevoir et on le regrette - car après tout, cette histoire et ces concepts méritaient mieux...
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