The Skylark of Space


En termes d'exhumation depuis la PàL, je crois que ce titre correspond à un genre de record pour moi : il s'y trouve depuis une quinzaine d'années au bas mot...
Résumé : 
Richard Seaton, chimiste accompli, découvre un beau jour un élément mystérieux capable de déclencher un nouveau type de réaction nucléaire... En sa présence, le cuivre se convertit en énergie sans aucune perte ! Les perspectives sont inouïes et il s'associe bientôt avec Reynolds Crane - richissime homme d'affaires - afin d'exploiter le potentiel de la matière "X" : fournir de l'énergie gratuite à la planète semble en effet l'option la moins extraordinaire... et Seaton, déterminé à construire un vaisseau spatial, se met à négliger sa fiancée Dorothy Vaneman. Ce que les trois amis ne savent pas, c'est que le chercheur Marc DuQuesne - un rival scientifique ne s'encombrant d'aucun scrupule - fera tout pour mettre la main sur la matière "X" et la fortune qu'elle représente. Seaton et Crane parviendront-ils à construire le Skylark à temps pour contrecarrer l'ambition de DuQuesne ? Ou bien devront-ils prendre l'espace afin de le retrouver à l'autre bout de la Galaxie ?
Ce livre a été publié pour la première fois en 1928, mais son auteur en a commencé l'écriture dans la décennie précédente - alors même qu'il préparait sa thèse. Remanié par la suite, The Skylark of Space a rencontré un succès jamais démenti : le volume dont je dispose, dont la couverture est identique à celle dont je me sers ici en tant qu'illustration, est un poche de 1968 et le bouquiniste qui me l'a vendu (en même temps que ses trois suites) avait commenté mon achat d'un "a great series" de bon augure. Pourtant, The Skylark of Space ne m'a pas convaincu.

Il est toujours difficile de juger une oeuvre bientôt centenaire à l'aune de notre expérience du présent. Ainsi, la science mise en avant par E. E. Smith est datée - pour ne pas dire périmée : la matière "X" n'est jamais qu'une pierre philosophale du XXème siècle, à même de changer non le plomb en or mais le cuivre en énergie mécanique et chimique selon un rendement asymptotique ; si les vaisseaux interstellaires inventés ici voient leurs trajectoires perturbées par les champs de gravitation, ils ignorent tout à fait la dilatation relativiste ; enfin, et ce qui est plus grave pour un chimiste, les lois qui régissent la matière ne semblent pas être les mêmes partout dans l'Univers. Ce problème, bien que préoccupant, n'est toutefois pas le plus sérieux : alors que des femmes telles que Marie Curie et Adrienne Bolland - contemporaines de l'écriture de ce livre - avaient déjà rappelé avec talent que la femme n'a rien à envier à l'homme en termes de rigueur intellectuelle et d'excellence technique, les rôles féminins de The Skylark of Space semblent cantonnés à des tâches subalternes ou superflues : si le vaisseau spatial en vient à posséder un équipage de cinq personnes dont deux femmes, celles-ci sont à la ville musicienne pour l'une et secrétaire pour l'autre, et elles sont exclues du pilotage au profit de la cuisine de bord...

Même en admettant que ces parties-là du texte n'ont pas été révisées entre 1928 et 1968, et même en les accueillant avec la réserve nécessaire - puisqu'on parle ici d'une répartition conservatrice et essentialiste des rôles sociaux - il reste bien difficile de lire ce texte sans être critique de ses qualités littéraires. Le style en est daté, au moins autant que les conventions sociales qui le sous-tendent. L'argument science-fictif sur lequel il repose est faible, à tout le moins. Le schéma d'ensemble est bien peu convaincant et surtout, l'auteur semble peu certain de ce qu'il désire raconter : s'agit-il du récit d'une innovation scientifique... ou bien celle d'un voyage interstellaire inattendu... ou encore l'exploration de mondes étranges ? Les personnages enfin, au-delà du carcan de leurs rôles sociaux, n'ont pas de réelle substance : les femmes sont toutes belles et donc aimables par essence, les hommes n'ayant que des qualités positives sont héroïques, alors que ceux qui n'en ont pas sont des antagonistes et finissent punis... Au fond, seul le personnage de DuQuesne tire son épingle du jeu : ambigu - car intelligent et fort, mais dépourvu de toute morale - et froid, il donne de l'intérêt aux scènes où il apparaît, à tel point que le lecteur se met à guetter son arrivée... jusqu'à regretter de le voir au fond si peu présent !

The Skylark of Space est donc un roman qui souffre de son caractère à tous points de vue daté là où Les hommes frénétiques de Pérochon parvient à conserver son intérêt à cent ans de distance. Il conviendra sans doute, bien sûr, de donner sa chance à l'itération suivante de la série pour en avoir le cœur net... mais je risque de ne pas m'y intéresser tout de suite.

Commentaires

Azivance49 a dit…
The Skylark est en effet daté. Tout comme "De la Terre à la Lune" de Jules Vernes. A mon sens, cela constitue une partie de son intérêt. Il va de soi que l'argument scientifique du livre est plutôt pauvre, mais l'était-il pour le lecteur moyen de son époque de publication? Après tout, nous savons que le canon de Jules Vernes aurait tué tous ses occupants par l'accélération initiale (ce que Jules sait aussi et qu'il tente d'escamoter par un tour de passe-passe peu convaincant). Il en va de même pourles relations entre personnages. Elles sont à mon sens intéressantes parce que datées, ce qui nous permet de voir comment les auteurs de SF percevaient alors les relations sociales.
Azivance49
Anudar a dit…
Bonjour et bienvenue ici !

Je trouve les textes de Jules Verne moins datés que celui-ci, alors qu'ils sont plus anciens. Et ici, au-delà de la seule vraisemblance scientifique - laquelle est d'autant plus discutable que E. E. Smith était chimiste quand Verne était avant tout littéraire - je trouve vraiment que l'auteur n'a pas cherché à dépasser les modèles "traditionnels" des relations sociales... alors même que l'époque aurait pu l'y inciter.

Je reste néanmoins curieux de la suite... ainsi que "Triplanetary", plus récent, qui est dans ma PàL !