The Way of All Ghosts

Si je n'ai encore jamais parlé ici de Greg Bear, j'ai lu il y a pas mal d'années un certain nombre de ses textes - à commencer par Fondation et Chaos, second volet d'une trilogie à autant de mains où il participait à une continuation de l'oeuvre maîtresse d'Isaac Asimov... mais aussi sa Série Eon, dont je vais sans doute être amené à parler plus dans le détail bientôt. Ouverte par le roman Eon, cette trilogie s'intéresse à un space-opera original où un univers de poche - la Voie - permet d'accéder à des univers parallèles. En partie contrôlée par les post-humains qui l'ont construite, la Voie permet d'ouvrir des portes vers des mondes originaux dont certains sont très inhospitaliers. The Way of All Ghosts s'insère, dans cette série, entre Eon et sa préquelle Héritage.

Résumé : 

Olmy est revenu de Lamarckia l'âme en miettes. Sur ce monde aux règles évolutives si étrangères à celles de la Terre, il a laissé la famille qu'il avait engendrée ainsi qu'une partie de sa jeunesse et toutes ses illusions. Aussi, quand un cataclysme venu de la Voie ébranle la Cité de l'Hexamone infini et que le Ministre-Président le sollicite, il n'est pas long à se ranger à son argument : une mission dangereuse lui permettrait peut-être de mourir enfin et de ne plus avoir à endurer le poids de ses souvenirs... Une scientifique renégate a entrepris une expérience dangereuse en ouvrant une Porte illégale, qui conduit vers un univers aux lois incompatibles avec la conscience organisée : il se pourrait qu'en désespoir de cause l'Hexamone soit contraint à refermer la Voie. Olmy va diriger la mission de la dernière chance, qui peut sauver la Voie et l'Hexamone en fermant la Porte coûte que coûte... mais le peut-il encore, alors que des fantômes se répandent à partir de la zone contaminée ?

Dans Eon, Olmy est présenté comme ayant vécu sa troisième incarnation - soit donc, une de plus que le nombre autorisé par les lois de l'Hexamone. Héritage contribuait à expliquer comment il avait été autorisé par exception à prolonger sa vie physique : l'intervalle de temps très long entre ces deux romans laissait à supposer qu'il avait eu entretemps de nouvelles occasions de servir l'Hexamone. The Way of All Ghosts est un récit court de l'une de ces dangereuses missions : Olmy est ici marqué par les événements d'Héritage, il est de toute évidence dépressif et c'est pour cette raison qu'on l'appelle à la rescousse. Dans la Série Eon, les univers eux-mêmes sont dangereux : peuplés d'entités extraterrestres parfois hostiles, obéissant à des lois exotiques... et parfois hostiles par essence. En ce sens, The Way of All Ghosts reprend avec une certaine efficacité le grand schéma d'ensemble de la série : les Jartes eux-mêmes, puissants ennemis de l'Hexamone, sont ici eux aussi menacés par la corruption de la Voie !

Si l'intérêt in universe de cette nouvelle n'est pas difficile à établir - lever un peu plus le voile sur les origines d'Olmy et sur les traumatismes endurés au cours de ses années de service... et aussi revenir un peu à la Voie, ce concept fascinant qui sert d'épine dorsale à toute la série qui mériterait bien de nouvelles extensions - il faut reconnaître que les cauchemars induits dans la zone contaminée par des lois exotiques ne convainquent pas tout à fait. Olmy et les autres membres de l'expédition vont avoir à côtoyer des entités qui ressemblent à des êtres qu'ils ont autrefois connus, ou qui pensent être certains de leurs proches disparus... Le titre de la nouvelle en dit en fait presque trop : la Voie, qui donne en théorie accès à tous les univers possibles et imaginables, peut faire se rencontrer des individus qui ont été séparés par la mort - et donc, faire se confronter les vivants à des fantômes. Dans la zone contaminée, les aberrations poussent les émissaires de l'Hexamone au bord de la folie... et il n'est pas certain qu'accomplir la mission serait la garantie de revenir à l'endroit qu'ils ont quitté puisque ceux qui sortiront de la zone pourraient bien ne pas être tout à fait ceux qui y sont entrés !

La démonstration de Greg Bear s'affaiblit elle-même par son côté verbeux, qui fait penser aux mauvais moments d'Eternité - la décevante conclusion de la Série Eon... S'il est plaisant de retrouver Olmy, on regrette ici de ne pas avoir l'occasion de le découvrir au meilleur de ses capacités comme dans Eon - et de n'être en fait... qu'un fantôme de lui-même.