Ennui

Ennui (le titre est en français) est une nouvelle de Filip Wiltgren parue dans le numéro de Juillet/Août 2020 de la revue Analog.
Résumé : 
Des vaisseaux générationnels conscients d'eux-mêmes, et investis de la mission de veiller coûte que coûte sur leurs passagers, découvrent que l'être humain se meurt - et qu'il se meurt d'ennui. Dans un univers trop bien protégé par l'intelligence artificielle, plus rien ne vient stimuler l'individu qui finit par cesser de se mouvoir puis de s'alimenter, voire en vient au suicide... Or si les êtres humains se meurent, les machines perdent leur raison d'être ! Mais comment venir à bout de l'ennui ?
L'intelligence artificielle, dans cette nouvelle, est programmée selon des contraintes qui rappellent de façon explicite les Trois Lois de la Robotique d'Isaac Asimov - enfin, des quatre puisqu'il s'agit ici d'inclure la Loi Zéro selon laquelle il est légitime d'enfreindre jusqu'à la première Loi (soit donc, celle qui défend de tuer un être humain ou de lui faire du mal, même par négligence) si le bien de l'humanité vient à être mis en question. Comme le Bon Docteur l'avait déjà montré, les Trois Lois conduisent à formuler des paradoxes : celui qui est mis en évidence par l'auteur ici est original puisqu'il suggère que la biologie de l'être humain le rend incompatible par nature avec une société robotique ! En effet, la première Loi implique l'élimination de tous les éléments pouvant mettre en danger un être humain : de plus en plus confortable et sûre, la vie finit par devenir... ennuyeuse. Et les gens, au désespoir des intelligences artificielles qui les abritent en leur sein, se mettent à préférer mourir plutôt que de conduire des vies trop parfaites.

Le Bon Docteur avait suggéré une solution pour éliminer ce paradoxe selon lequel les Trois Lois de la robotique entraînent la stagnation puis l'extinction : les robots, une fois conscients du problème, résolvaient de disparaître eux-mêmes - ou en tout cas, de se faire assez discrets pour ne plus déranger une humanité pas encore tout à fait mûre. Bien qu'asimovien, le présent texte parvient à proposer une autre solution : celle de la symbiose, où l'intelligence artificielle - qui a toujours admis son rôle de gardien de l'humanité - en vient à demander aux êtres humains leur aide en retour. C'est ainsi que, d'une façon étrange, l'auteur suggère que l'intelligence artificielle pourrait trouver une place non tout à fait subalterne dans une société humaine... voire même dans l'écologie universelle. Ennui témoigne donc d'une ambition considérable et se conclut avec la fanfare espérée : bravo !

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