Second OEkumène tome 1 : Régulus

Je n'ai encore jamais rien lu de John Crossford. Second OEkumène est une pentalogie de space-opera dont le premier tome, Régulus, était mis en avant par la librairie où je suis allé faire une récolte en début d'été...
Résumé : 
Le second OEkumène va changer de mains. Bien que maintenu en vie par la grâce de machines anciennes, l'empereur est mourant et son héritier trop jeune aura de toute façon à subir une régence. Alors, d'ores et déjà certains acteurs positionnent leurs pièces sur l'échiquier - à commencer par l'amiral Wallace qui cherche à éliminer avec méthode ceux qui pourraient s'opposer à son ascension... William est l'une de ses victimes, et la seule qui ait pu s'échapper au prix de multiples changements d'identité pendant douze ans. Reclus sur Orosco, un monde périphérique et mal dirigé, il ne sait pas que Wallace ne l'a pas oublié... Sur la lointaine Régulus, une jeune alter nommée Lucy découvre peu à peu que le Consortium qui l'a recueillie dissimule ses intentions à son égard - et que l'école de la Fondation où elle développe ses pouvoirs psioniques n'est rien d'autre qu'une prison. Sera-t-elle en mesure de s'évader avant que les drogues ne l'abrutissent tout à fait ? Au sein de cet empire en proie aux troubles, se faire des amis pourrait bien être la seule solution pour survivre... et peut-être construire un monde nouveau ?
Pouvoirs psioniques, rôle de la religion (et en particulier d'une version interstellaire de l'Eglise catholique), monopole sur le voyage spatial : les influences perceptibles vont de Fondation à Dune en passant par Hypérion, si bien que Régulus peut mériter qu'on le qualifie de pot-pourri voire de collage. Piocher de bonnes idées chez ses prédécesseurs a toujours été une façon éprouvée de produire de la littérature - au fond, Homère a inspiré bon nombre d'épopées dont certaines sont d'envergure galactique - et c'est pour le lecteur l'occasion de se sentir en terrain connu... voire de tester son érudition en identifiant les sources exploitées ! L'intérêt de l'oeuvre ainsi produite reste encore d'associer aux idées plus anciennes quelque chose de nouveau - des idées neuves, ou bien une touche caractéristique par exemple - un peu comme un cuisinier s'approprie une recette en exploitant des ingrédients supplémentaires ou en adaptant le protocole de réalisation... Or ici, l'auteur semble s'être contenté de sélectionner ici où là les idées qui l'intéressaient, puis de les juxtaposer au paysage interstellaire qui semble avoir concentré une bonne partie de son temps intellectuel : en effet les mondes sont abondants sur sa carte galactique, et organisés selon un système de quadrants qui bien qu'à deux dimensions (la Galaxie est un volume alors qu'une carte est une surface) permet de toucher du doigt la réalité d'un espace divisé en provinces et en régions. L'impression est donc mitigée lors de l'immersion : certes, on sait où on est - voire où on va - mais on ne se sent du coup guère dépaysé, ce qui est gênant pour du space-opera.

Le schéma narratif ne sort pas non plus des sentiers battus : il peut se résumer par une alternance de chapitres où le point de vue appartient à l'un ou à l'autre des personnages principaux. Deux d'entre eux occupent la majeure partie du temps fictionnel : ce sont bien sûr William/Einar et Lucy (dont on découvre bientôt qu'elle possède elle aussi une double identité). Le premier peut s'interpréter comme un archétype des romans de space-opera, celui du pilote surdoué, même si sa raison de fuir n'est pas professionnelle mais bel et bien politique. La deuxième est plus difficile à catégoriser, entre son statut d'enfant volé d'une part et celui de ressource psionique d'autre part. Il apparaît toutefois évident aux yeux du lecteur que l'un et l'autre possèdent les différents éléments nécessaires à leur survie et c'est en effet le schéma retenu par l'auteur dans les derniers chapitres qui suivent leur rencontre - laquelle n'a, et c'est heureux, rien de sentimental. Celle-ci se fait dans des circonstances aux allures de hasard cosmique, pour ne pas dire de deus ex machina, et il est de ce fait assez difficile de ne pas la voir venir de loin - ou plutôt, de ne pas sentir que c'est le but recherché depuis le départ. Une bonne partie de l'intrigue, en réalité, repose sur les "talents" - ceux des personnages identifiés comme alter, soit donc investis de pouvoirs psioniques d'origine génétique... et ces dons permettent bien souvent de dénouer les situations inextricables. Si c'est utile pour l'auteur, cela conduit au minimum le lecteur à se demander quelles sont ses intentions véritables : les alter sont-ils des méta-humains ou bien les premiers représentants d'une future humanité ? Existe-t-il quelque part un conclave d'alter libres qui manipuleraient de leurs talents les destins de tout le monde ?

Si l'intrigue de ce premier roman ne permet pas (bien sûr) de conclure au sujet de ces questions qui engagent l'ensemble de la série, on peut en revanche la qualifier en mentionnant certaines de ses longueurs voire de ses développements d'allure superflue. Multiplier personnages et points de vue permet en effet de donner plus de profondeur à un ensemble, c'est certain, mais il vaut alors mieux que le temps fictionnel soit réparti de façon plus équitable. Ici, ce n'est pas le cas puisqu'il est accaparé par les deux personnages sus-cités : ce n'est qu'une fois qu'ils sont sur la même route que l'auteur présente, ou revient à, des personnages différents. Du reste, les problèmes rencontrés par les différents personnages semblent répétitifs : l'Empereur est très âgé donc sur le point de céder le pouvoir, le Pape est dans la même situation... et le gouverneur d'Orosco est lui aussi épuisé. Il s'agit peut-être pour l'auteur d'une façon d'illustrer à quel point l'OEkumène éponyme est sénescent - les mêmes causes produisant les mêmes effets partout - mais il aurait pu être plus intéressant de diversifier les causes... et de montrer qu'elles induisaient malgré tout le même effet dans tous les contextes. L'impression qui en résulte est celle d'une certaine paresse, et c'est fâcheux car tout le reste porte la marque d'efforts consentis sur le long terme...

En résumé, Régulus a pour vocation de distraire et de questionner : s'il y parvient à peu près - c'était la moindre des choses - il le fait sans passionner, ce qui est dommage, et remet en question l'envie que l'on aurait pu avoir a priori de s'intéresser à ses suites. Tant pis !

Ne manquez pas non plus les avis de : Drums n Books, le Maki, le Nocher des livres, Vive la SFFF...

Commentaires

Le Maki a dit…
Tu es assez critique même si je partage ton point de vue, j'ai bien aimé le voyage...

Idéal pour une lecture détente sans prise de tête.
Anudar a dit…
On va dire que je suis d'autant plus déçu que j'aurais aimé apprécier beaucoup plus que ça. Il y a un potentiel qui n'est pas réalisé, c'est dommage...
Kwalys a dit…
Merci pour le lien !
Je partage ton avis, j'ai été très déçu par ce premier tome, le deuxième ne fais du coup pas partie de mes priorités de lecture pour le moment, même si j'en ai lu du bien par ci par là 🤔
Anudar a dit…
Mais de rien, ma politique est de lier les chroniques des gens qui en ont publié avant la mienne... quand je parviens à les détecter facilement.

Je n'exclus pas de lire la suite, mais il est certain que ça ne sera pas une priorité non plus. Bah, on verra bien si l'année prochaine cette envie est venue :)