Prince de sang

A la faveur d'une récolte en fin de printemps, j'ai découvert un volume d'intégrale qui m'a semblé digne de mon intérêt pour une lecture intercalaire pendant un été surtout orienté space-opera. Je n'ai jamais rien lu de Raymond E. Feist (sauf erreur) et c'était un argument supplémentaire pour lui donner sa chance...
Résumé: 
A Krondor, les jumeaux Borric et Erland sont les fils du prince. Ils ont dix-neuf ans, ne pensent qu'à s'amuser... mais l'aîné d'entre eux est très haut placé dans la lignée de succession du Royaume des Isles, et le temps de la jeunesse et des jeux sera bien court dans la mesure où la frontière avec l'Empire de Kesh voisin n'est jamais tout à fait tranquille. Alors que l'Impératrice requiert la présence d'ambassadeurs pour fêter son anniversaire, le prince de Krondor choisit d'y expédier ses fils afin de leur permettre de faire leurs premiers pas dans le monde et de grandir un peu. Le chemin vers la capitale de Kesh ne sera pas de tout repos – et le séjour sur place non plus, car l'Impératrice est si âgée que sa succession est déjà dans tous les esprits. Les jumeaux pourront-ils apprendre assez vite à survivre sur ces terres étrangères, pétries de complots et de dangers ?
Prince de sang est la première partie d'une dilogie inscrite au sein d'un cycle plus vaste : il n'est toutefois pas nécessaire d'avoir lu les volumes précédents pour accéder à l'intrigue de ce roman, les personnages ou le narrateur dosant les apports historiques ou conceptuels nécessaires à la cohérence de l'ensemble sans que l'on ait trop souvent l'impression d'avoir commencé par le mauvais bout. Du reste, assez peu d'éléments restent obscurs même après lecture. Une forme de magie, voire de transcendance est à l'oeuvre dans l'univers de Krondor : elle n'est pas en cours de défaillance comme chez Tolkien, elle n'est pas non plus en train de revenir comme chez Martin, elle est plutôt présente et agissante comme c'est le cas dans la Belgariade d'Eddings. L'une des étapes un peu étranges du voyage des princes jumeaux vers Kesh est en effet une halte à une académie de magiciens où un allié de leur père va prodiguer quelques conseils sibyllins puis marier sa fille – télépathe – au conseiller (plus adulte, et plus réfléchi) qui les accompagne : si ce morceau du récit permet de le rattacher sans nul doute à un ensemble bien plus vaste, il s'avère mystérieux voire énigmatique et soulève en réalité certaines questions qui ne trouveront pas de réponse. Toutefois, c'est le seul passage de cette nature, et une fois que l'on admet la télépathie du personnage introduit à cette occasion celle-ci se révèle un atout majeur dans la résolution du problème qui s'esquisse peu à peu.

Les deux monarchies voisines – celle des Isles et celle de Kesh – sont en effet confrontées à des risques parallèles. Dans les deux cas, une succession s'annonce et va devoir être préparée. Par ailleurs, tous deux sont trop grands l'un vis-à-vis de l'autre pour qu'il puisse y avoir un vainqueur évident lors d'un conflit… or, la guerre est d'ores et déjà envisagée dans ce voisinage inconfortable. Prince de sang est donc le récit d'une visite à haut risque – surtout compte-tenu du manque de maturité, au sens strict de l'expression, des princes jumeaux de Krondor. L'idée d'une séparation des deux protagonistes principaux est assez bonne car elle permet tout d'abord aux personnages de grandir chacun de leur côté, à leur façon... mais aussi puisqu'elle donne au lecteur une forme d'omniscience et donc un coup d'avance toujours bon à prendre. De ce fait, la visite se fait roman d'éducation et explore les différents aspects de cette excursion diplomatique : l'enjeu est bel et bien, pour les deux princes, de revenir plus grands et plus mûrs. Comme c'est souvent le cas, l'intrigue est soutenue par une théorie de personnages hauts en couleur que l'on devine tout à fait nouveaux dans la série. On pressent que certains d'entre eux sont là pour durer, on perçoit que d'autres seront à usage unique pour des raisons tragiques : un soin certain est accordé à leur construction et l'on finit par s'y attacher plus qu'aux personnages centraux.

Les amateurs de fantasy qui recherchent un récit de quête vouée à remanier le destin du monde resteront sur leur faim avec ce Prince de sang – quoique – mais le récit de ce voyage formatif auprès d'une cour étrangère saura néanmoins séduire son lecteur, en lui faisant passer un moment assez agréable.

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