Utérotopie - Espedite

Offert par son éditeur, ce livre assez court porte un titre étonnant, sous forme de mot-valise d'utérus et d'utopie... Que pouvait bien cacher sa couverture ?
Résumé : 
Elles sont cousines, elles proviennent d'une gestation artificielle, elles étudient dans le même lycée... elles partagent aussi de lourds secrets, aussi répugnants que l'enquêteur chargé d'alerter leurs parents : boulimie, prise de substances illicites et probable promiscuité sexuelle. La rééducation psychologique et comportementale suffira-t-elle à extirper d'elles toutes leurs tendances à la biodéviance ?
Le 1984 de George Orwell était une dystopie dont l'argument était le contrôle par la puissance de l'Etat des esprits et peut-être même des âmes, alors que Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley en était une autre questionnant le contrôle des corps et en particulier de la reproduction. Utérotopie tient de la dystopie, et reprend les arguments de ses deux prédécesseurs - dont je persiste à dire que depuis, rien de nouveau n'a été fait dans le genre. Contrôle des corps : cette société d'un futur tout proche est un archipel d'individus scrutant leur apparence physique, leurs aptitudes sportives, leur état de santé cellulaire jusqu'aux gènes (les leurs et ceux de leur descendance)... la reproduction étant volontiers, pour les plus riches, externalisée dans des utérus artificiels (ou des mères porteuses mercenaires). Contrôle des esprits voire des âmes : robots traceurs sur l'Internet, mouchards dans les applications des smartphones et bases de données que la police peut consulter ou croiser à loisir. Voici donc une société dans laquelle on n'a pas trop envie de vivre - d'autant plus que la nôtre lui ressemble de plus en plus.

Les deux principales protagonistes, presque interchangeables - d'ailleurs, leurs passages sont narrés à la première personne du pluriel - pour plus d'une seule raison, transpirent le mal-être. Celui-ci s'exprime non par le rejet des formes sociales mais plutôt par leur exacerbation : les deux cousines poussent très loin le curseur du contrôle tant de leurs corps - boulimie puis anorexie, qu'elles masquent avec un talent consommé - que de leurs esprits - qu'elles ont assez brillants pour exceller en classe mais aussi et surtout manipuler leurs parents. Dans une société obsédée par le contrôle, elles finissent par apparaître non comme des anomalies mais bel et bien comme des succès imprévus, ce qui explique au fond leur victoire finale. Dérangeant, par moments écœurant, mais sous couvert d'une langue on ne peut plus contrôlée - un comble compte-tenu du propos - Utérotopie est un OVNI que son faible volume contribue à rendre percutant. Il ne sera pas dit que le moment passé avec ses personnages est bon - mais plutôt qu'il est éclairant...

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