Les blogueurs parlent aux blogueurs : Soleil Vert
Au début des années 2010, l'excellent Gromovar avait pris une initiative chaleureuse et passionnante : il s'agissait d'interviewer les blogueurs de ce qui était déjà le Planète-SF, réalisant ainsi une oeuvre de connaissance de la blogoSFFFère.
En ce début des années 2020, cette communauté a changé : des anciens sont partis, d'autres sont toujours là, et des nouveaux sont arrivés. Le moment, d'après moi, est revenu de faire le point et de nous interroger en tant que blogoSFFFère sur nos aspirations et nos liens communs. Avec la permission de Gromovar, inventeur du concept, je reprends par conséquent la rubrique Les blogueurs parlent aux blogueurs !
Et aujourd'hui, c'est au tour de Soleil vert de nous parler de lui...
1. Bonjour, peux-tu te présenter en deux mots (tu peux être aussi bref que tu veux…jusqu’au néant)
Je suis un lecteur de science-fiction disons de la génération Jean-Daniel Brèque, toujours attaché au genre, même si mon rythme de lecture a ralenti.
2. Pourquoi avoir créé un blog ? Est-ce le premier ? Le seul ?
J’ai créé mon blog lors de la disparition du site du Cafard Cosmique et à ce jour c’est le seul. Les réseaux sociaux ne me tentent pas pour l’instant mais je participe aux forums restants.
3. Combien de temps y consacres-tu ?
Etant en cessation d’activité, enfin bref en retraite, j’y consacre quelques heures par semaine, le reste étant consacré à la lecture.
4. Blogues-tu tout ce que tu lis ?
Oui. Enfant, mon père me faisait faire une page d’écriture hebdomadaire jusqu’au jour où j’ai renversé l’encrier (on est dans les années 60) sur le tapis. Je reprends la tradition en quelque sorte.
5. As-tu déjà lu certains livres simplement parce que tu te disais que ça pourrait faire un article intéressant pour ton blog ?
Oui. De façon générale, passées les cinquante ou cent premières pages je commence à élaborer un plan d’écriture qui parfois s’effondre quand le récit prend une tournure inattendue. Mais j’ai vraiment pris mon pied avec les dossiers du Cafard Cosmique.
6. Lis-tu en VO ? Si oui, en quelles langues ?
Non, je ne lis pas en VO et quand on veut exprimer des idées sur la littérature anglo-saxonne, par exemple, c’est une limitation terrible.
7. Blogues-tu avec ou sans roleplay ? Si c’est le cas, que représente ce roleplay pour toi ?
Sans roleplay.
8. Depuis combien de temps lis-tu de la SFFF ?
Un demi-siècle.
9. A quel rythme lis-tu ?
De plus en plus lentement, même si en 2020 à la faveur du confinement j’ai lu et chroniqué exactement cinquante-deux livres, soit un par semaine.
10. Que trouves-tu dans nos littératures de genre ?
Interviewé sur son œuvre phare Le cycle de La Culture, Ian Banks avait déclaré un jour en préambule que le monde qu’il avait créé était issu de sa seule imagination. Je ne suis pas d’accord. Pour moi le VSG Service Couchette existe réellement, ainsi que les Mentaux, Circonstances Spéciales etc. Un grand livre de science-fiction l’est par ses qualités littéraires mais aussi par ses facultés d’immersion. On ne sort jamais totalement d’une telle expérience de lecture et je compte bien embarquer dans un de ces vaisseaux quand le temps sera venu.
11. Partages-tu cette passion avec ton entourage ?
J’ai renoncé depuis bien longtemps. 😊
12. Quelle a été ta première lecture SFFF ? Te souviens-tu de l’occasion qui t’a amené à cette lecture ?
En dehors du Jules Verne de mon enfance, j’ai découvert la SF avec un Fleuve Noir de Robert Clauzel Aux frontières de l’impossible. Je ne me souviens pas des circonstances. Heureusement, surtout quand je relis la quatrième de couverture : « Tout ce qu'une imagination délirante peut échafauder d'hallucination n'est rien à côté de la « chose » qu'ils voient. Une vague d'horreur et d'écœurement les soulève, un frisson d'épouvante les secoue tandis que, résignés, à leurs côtés, pleins d'un incommensurable effroi, les Dramaliens se mettent à leur atroce besogne... ». L’écrivain en a publié plein d’autres du même tonneau et quand le très estimé Denis Philippe écrit dans Fiction à propos de La Terrible expérience de Peter Home « Robert Clauzel sait écrire » ou « il y a là un livre qui, plus longuement travaillé, développé plus à loisir, aurait pu être une des œuvres marquantes de la science-fiction française. » je frémis. Au final, en changeant de lycée, un copain m’a fait découvrir la collection J’ai Lu naissante et là je suis entré dans le cœur du sujet avec des auteurs exceptionnels.
13. Peux-tu nous décrire un (ou plus) grand souvenir de SFFF ?
Le 18 janvier 1990 Ray Bradbury m’a dédicacé A l’Ouest d’Octobre au Virgin Mégastore des Champs Elysées. Sa poignée de main m’est restée en mémoire. Je ne l’oublierai jamais. Mon plus mauvais, avoir raté Robert Silverberg en 2015 aux Utopiales. Mais c’était deux mois après un grave pépin de santé.
14. Quel est le livre qui t’a le plus marqué récemment ? (Répondre sans réfléchir)
Difficile de séparer Neil Gaiman - Neverwhere, de Marguerite Imbert - Les Flibustiers de la mer chimique. En manga Spirale de Junji Ito.
15. Vers quelle étiquette SF, F, ou F, va ta préférence ? Et pourquoi ?
SF car si espoir il y a, il réside dans la science et l’avenir.
16. Comment ont évolué tes goûts entre tes débuts en SFFF et aujourd’hui ?
Je suis beaucoup plus réceptif à la qualité d’écriture.
17. Quels sont tes auteurs préférés ? Pourquoi ?
Robert Silverberg, car il ne s’est pas contenté de mettre en situation des êtres vivant dans des époques reculées ou des lointains futurs, mais il a décrit ce qu’il se passait dans leurs têtes. Sans compter sa prose, que Gilles Dumay qualifie de musique. L’incontournable Philip K. Dick qui, toujours pour citer Dumay, a ouvert des brèches immenses. Ballard et sa mythologie de la société de consommation bien sûr, les stylistes contemporains comme Georges Martin, Robert Charles Wilson, Miéville dans ses premiers ouvrages, Priest, Shepard, Ian McDonald.
18. Y a-t-il des livres que tu regrettes d’avoir lu (temps perdu) ? D’autres que tu aurais regretté de ne pas voir lus ?
Je ne regrette aucune lecture. « D’autres que tu aurais regretté de ne pas voir lus ? ». La liste est trop longue.
19. Y a-t-il des auteurs dont tu lis tout (ou voudrais pouvoir tout lire) ?
Ballard, Kate Wilhelm, et les stylistes précités.
20. Vas-tu voir les auteurs sur les salons ? Ramènes-tu des interviews, des photos, des dédicaces ?
C’est très rare. J’étais désargenté à l’époque, mais en traversant l’Atlantique j’aurais pu croiser de leur vivant des Dieux comme Simak ou Sturgeon. Honte à moi.
21. Que penses-tu de l’œuvre de Bernard Werber ? Et de celle de Maxime Chattam ?
Quand tu as découvert Egan, il y a des choses qu’il n’est plus humainement possible de lire.
22. Tes fournisseurs : librairies, bouquinistes, Internet ?
Libraires et internet. J’ai dit adieu aux bouquinistes le jour où j’ai pu acquérir sur le Net 20 000 lieues sous les mers aux Editions Lidis. J’en possédais un offert par mon père, mais la jaquette avait disparu. La revoir fut un moment fabuleux.
23. BD, comics, mangas, ou non ?
Comics c’est fini, mais, fasciné comme d’autres par la culture japonaise, je suis les productions mangas de Takashi Murakami, Yoshiharu Tsuge, Shigeru Mizuki, Junji Ito, Shohei Kusunoki, Shinji Kajio & Kenji Tsuruta et le grand Jirô Taniguchi.
24. Lis-tu aussi de la littérature « blanche » ? Si oui, qui aimes-tu particulièrement parmi les auteurs étiquetés « blanche » ?
Je lis de la littérature blanche sans schéma préconçu, en principe de très bons ouvrages à quelques exceptions près. Je comble un peu ainsi le retard pris à cause de mon addiction à la SF… hormis la littérature française d’après-guerre pour laquelle c’est foutu. Par exemple ne me parlez pas des Hussards (le mouvement littéraire) dont je n’ai rien lu hormis Blondin. En blanche anglo-saxonne je raffole de Conrad, McCarthy, Ellis, DeLillo, Roth, Carver, Fante, Virginia Woolf, London, Melville. Ailleurs Stefan Zweig, les grands sud-américains, la littérature du Moyen-Orient et de l’extrême Orient.
25. Tentative de Weltanschauung : qu’aimes-tu comme musique ? Comme cinéma ? Quel est ton loisir favori ? Plutôt matérialiste ou idéaliste ?
Musique : génération oblige, les sixties et seventies m’ont profondément marqué, mais je picore un peu de tout en rock, pop, métal. En classique, Fauré, Ravel, Schubert, le Kyrié de la messe en Ut de Mozart, Orphée et Euridice de Gluck : Dance of the Blessed Spirits (Act II), Anton Bruckner 7ème symphonie le 2ème mvt adagio, direction Karl Böhm qu’affectionnait Joseph Altairac. Cinéma, sans surprise, Kubrick, Hitchcock, Ridley Scott, John Houston, Billy Wilder, Clouzot, Renoir, Tarantino bref que des vieilleries mais je ne suis pas un cinéphile.
Matérialiste ou idéaliste ? Plutôt résigné.
26. As-tu une liseuse ? Quel est ton rapport à la lecture numérique ?
Non, mais l’accumulation des livres et la hausse du prix des locations immobilières vont m’amener un jour à l’autre à prendre des décisions déchirantes.
27. Quel est ton rapport à Internet ? Connecté depuis longtemps ? Quel est ton rapport aux réseaux sociaux ?
Internet : Je suis connecté depuis 2003. Comment s’en passer aujourd’hui ? Sans internet je confectionnerais comme en 77 une petite revue que je placerais moi-même dans des librairies (https://soleilgreen.blogspot.com/2017/05/souvenirs-underground.html).
Réseaux sociaux : la haine qui s’y déverse parfois m’effraye, donc pour l’instant j’évite.
28. As-tu des projets d’écriture de fiction, ou est-ce que tu en as eu par le passé ?
Pas de projet d’écriture de fiction. Ces dernières années j’ai publié de la poésie. J’en ai beaucoup lu aussi.
29. Sans y répondre, quelle question aurais-tu aimé que je te pose ?
RAS, je suis très honoré de répondre à ce questionnaire.
30. Une dernière chose à dire au lectorat en délire ?
Oui. Il manque aujourd’hui une Histoire de la Science-fiction sérieuse qui poursuivrait le labeur entrepris par Sadoul, Barets and Co. Certes la volumétrie actuelle des publications est sans commune mesure avec ce qu’ont pu recenser ces grands bonhommes mais on pourrait à minima dessiner les grandes lignes, retracer l’évolution des media etc. Apophis a établi une taxonomie intéressante mais il faudrait lui donner une perspective historique.
Commentaires
On s’y rend souvent chez Soleil Vert,de belles chroniques, mélodieuses,poétiques.
Puisqu’il évoque ses goûts musicaux, pour moi c’est un peu comme un solo de David Gilmour .La perfection.
Intéressantes chroniques sur MC Carthy que j’ai repérées.
On lui souhaite une bonne continuation.
Merci Anudar.
@Vert : tu faisais parti des membres du Cafard Cosmique que j'appréciais et c'est tout naturellement que j'ai continué à te suivre sur ton blog.