L'Arche spatiale tome 1 - Une brèche dans le ciel - Peter F. Hamilton
Il a déjà été question ici de Peter F. Hamilton, que j'ai eu l'occasion de rencontrer en 2016 aux Intergalactiques de Lyon. L'auteur britannique s'échappe de son univers du Commonwealth pour une trilogie qui, ainsi qu'on va le constater, peut très bien s'adresser au jeune public.
Résumé :
Hazel a été choisie pour être la "Fille-Fleur" de la cérémonie du Cyclage : à seize ans, elle aura le privilège de remettre un bouquet de fleurs à chacun des individus âgés de soixante-cinq ans dont le temps de vie doit prendre fin pour le bien de la communauté. Hazel vit en effet à bord d'une arche spatiale dont les machines ont souffert autrefois d'une Mutinerie, obligeant les survivants à dépendre de l'environnement du bord pour cultiver leur nourriture et à pratiquer le Cyclage pour garantir qu'un jour les descendants des passagers arrivent bien à bon port... Telle est la loi instaurée par la "Capitaine Electrique", laquelle est réputée s'être téléchargée à l'intérieur du réseau informatique du vaisseau à la fin de la Mutinerie cinq cents ans plus tôt, et nul ne la remet en question. Sauf que les événements troublants se multiplient : les gens toussent et ont mal à la tête, Hazel découvre dans le "guano" déversé par le système de recyclage un déchet organique inexplicable... Pour couronner le tout, voici que trois Tricheurs sont insérés dans la cérémonie qu'elle accompagne : des personnes âgées qui ont refusé le Cyclage et vivent à la marge, considérées comme des parasites. Mais sont-ils tout à fait ce que les fidèles à la loi sont encouragés à croire ? Et la Capitaine Electrique est-elle tout à fait ce qu'elle prétend ?
Un vaisseau endommagé, des survivants organisés selon des principes théocratiques pour pallier à la défaillance des machines et une figure divinisée qui s'exprime à travers des écrans : non, vous ne lisez pas La grande dérive de Ben Bova ! Et pourtant, les points de ressemblance ne cessent de s'accumuler : un personnage principal adolescent dont l'audace va lui permettre d'identifier puis de mettre en oeuvre les solutions au problème technique menaçant l'avenir du vaisseau ; un conflit de plus en plus ouvert entre la nécessaire prise en compte des faits d'une part et le credo religieux d'autre part, dont l'observance jamais discutée conduit en réalité les passagers à la ruine ; une Histoire incomplète et volontiers truquée ; des passagers clandestins (ou pas) et en tout cas hostiles qui rôdent à l'intérieur des couloirs poussiéreux ; et même un voyage hallucinant vers l'axe de rotation du vaisseau, à travers des régions où l'intensité du champ de pesanteur diminue...
On le sait, Peter F. Hamilton apprécie les intrigues tout droit venues du passé de la SF qu'il s'ingénie à réinterpréter à sa façon et parfois aussi à la lumière des idées plus récentes. Si le Cyclage qui ouvre ce roman s'apparente plus volontiers à un emprunt au Destination ténèbres de Frank M. Robinson - et j'aurais pu d'ailleurs commencer cette chronique en établissant les points de ressemblance avec cet autre space-opera en milieu confiné, car ils sont nombreux... à commencer par un capitaine presque déifié, des mutineries réprimées dans le sang et réprouvées par l'Histoire officielle, et même un protagoniste principal possédant une identité complexe - il faut admettre que L'Arche spatiale promet à son lecteur ce que promettait autrefois le space-opera "populaire" (pour ne pas dire "blockbuster") : une part de rêve, une part d'angoisse, une part de romance, et une bonne dose de positivisme - car c'est bien connu, il n'y a pas de problème, il n'y a que des solutions. En toute logique l'ensemble m'apparaît sinon taillé pour, du moins tout à fait lisible par, le jeune public.
Mais pour le coup, qu'est-ce que ça vaut ? C'est du Hamilton, et donc c'est taillé comme un blockbuster et comme un page-turner. L'auteur sait ce qu'il fait, par conséquent on avance en terrain sinon connu, en tout cas plutôt bien cartographié. Une fois l'identité complexe de Hazel mise au jour, il devient possible de trier les informations disponibles pour imaginer que les causes de la défaillance des machines et celles de la fuite atmosphérique ne sont pas les mêmes. L'auteur prend soin de montrer la lourdeur du carcan religieux qui contraint la pensée de Hazel et des autres habitants du vaisseau : remettre en question un dogme est difficile et parfois, proposer des interprétations alternatives d'un fait ou même l'ignorer semble plus confortable que de faire face à la réalité nue... si bien que les Tricheurs continuent à invoquer la "Capitaine Electrique" lorsqu'ils sont surpris ou effrayés ! Cette lourdeur empêche donc Hazel de mettre en relation l'ensemble des faits à sa disposition avant les derniers développements du texte, et ce même si le lecteur - surtout s'il est au fait des références évoquées dans les deux premiers paragraphes de cette chronique - voit au contraire de plus en plus vite la direction que prend la quête.
Sans chercher à renouveler quoi que ce soit, L'Arche spatiale semble donc à ce stade offrir une synthèse mieux que passable (puisque ça se lit sans aucune difficulté) de textes plus anciens, qui auront je n'en doute pas laissé à d'autres lecteurs qu'à moi des souvenirs plaisants. De la comfort food, en quelque sorte, comme le disait jadis John Scalzi dans l'interview qu'il m'avait accordée. Le second volume de cette histoire, que je n'ai pas encore lu, dira si L'Arche spatiale a d'autres ambitions... mais le lecteur pourra se rappeler aussi que, parfois, on n'a pas besoin d'autre chose.
Commentaires
J'y jetterai un coup d’œil.