Anthologie des Utopiales 2023

Cette édition 2023 de l'Anthologie des Utopiales présente plusieurs particularités, liées au triste événement (version archivée de la même page... au cas où) fortement commenté par le fandom, à savoir la fin des Editions ActuSF. Ne m'estimant pas légitime à en dire plus, je parlerai plutôt du recueil lui-même.

Le thème du festival était : Transmission(s). Quel a été le rapport tiré par les anthologistes à l'oeuvre cette fois-ci ?
  • Il s'ouvre par une préface de Jérôme Vincent, dirigeant d'ActuSF, revenant sur les liens entre cette maison d'édition et le festival majeur de l'imaginaire en France.
  • Dreamer, de Chris Vuklisevic : dans un futur proche, l'enfant de parents ambitieux et soucieux de bien faire mais maladroits et refusant la connexion aux technologies modernes, tâche de grandir entre les aspirations parentales et les siennes propres... On sourit, on rit (jaune) et on se dit au fond que cette histoire de transmission défaillante pourrait évoquer des souvenirs à des individus venus de n'importe quelle époque. Belle ouverture pour le recueil, par conséquent.
  • Un jour, tout ceci sera à toi, de Léo Henry : Perle vit dans la Commune, où tout le monde partage les objets qui sont distribués selon les besoins de chacun. Tout le monde, sauf la Vieille, celle qui parle sans arrêt du monde d'avant et de ses merveilles... des contes qui ensorcellent Perle et l'incitent à entretenir une amitié bizarre avec cette femme âgée qui refuse les règles de la Commune... Une histoire d'héritage, mais au sein d'une famille choisie plutôt que biologique - et qui mieux est dans une civilisation qui refuse la notion de propriété des biens. Etonnant !
  • La boucle de Zurvan, d'Olivier Gechter : lorsque l'enfant arrive au temple de Zurvan, il y est accueilli par un grand prêtre qui lui enseignera tout ce qu'il doit savoir - et il y sera servi par des moines silencieux dont la nature est mystérieuse. Son destin sera de devenir un jour le grand prêtre du dieu du temps... et d'accueillir à son tour un novice. Même si l'on perçoit assez vite où l'auteur de cette nouvelle veut en venir, la relation amicale et même fraternelle du grand prêtre et du novice fascine, au point qu'il devient appréciable de se perdre dans les couloirs inquiétants de ce temple... hors du temps.
  • Incorrompues, de Christiane Vadnais : les oiseaux ont disparu depuis bien longtemps, et pourtant, leurs traces restent dans toutes les mémoires... et sont parfois même bien tangibles. L'avifaune est-elle bien éteinte ailleurs que dans les souvenirs ataviques de l'humanité ? Voici ce que j'appelle une pièce bizarroïde, dont l'intention est difficile à percevoir et qui s'habille à mon sens d'une nostalgie peu utile. Je retiens toutefois son questionnement sous-jacent : comment concilier un monde sans oiseaux et la fascination éternelle de l'humanité pour ceux-ci ?
  • "La science-fiction est le réalisme de notre époque", entretien avec Kim Stanley Robinson : la SF est selon moi une littérature du réel, capable de penser les possibles mais aussi d'aiguiller son lecteur vers ceux qui sont désirables. A ce titre, j'ai trouvé cet entretien tout à fait intéressant et même passionnant.
  • Alexandrie brûlera deux fois, par Elisa Beiram : le monde brûle, et avec lui les forêts mais aussi les villes... et donc la mémoire de l'humanité. Comment la sauver ? Ou plutôt... comment choisir ce qu'il faudrait sauver dans les data-centers ? Je ressors de cette lecture très partagé. Si d'un côté j'admets que l'Internet et ses morceaux même les plus discutables correspondent à un aspect non négligeable de l'Histoire humaine - et qu'à ce titre il faut pouvoir y accéder dans le temps, ce que fait par exemple l'Internet Archive - j'ai eu de la peine à m'investir dans cette histoire : la perspective de perdre les téra-octets présents sur les réseaux sociaux ne m'atteint pas tout à fait...
  •  L'école des rebooteux, par Jean Baret : un rebooteux, c'est un thérapeute capable d'identifier puis de traiter les névroses et les psychoses récalcitrantes, par l'intermédiaire de plongées dans l'inconscient du patient. Le métier est à risques et par conséquent, la formation des nouvelles recrues implique l'analyse de pratiques sur des cas réels épineux... Je me contenterai de dire qu'il se confirme que c'est pas pour moi. Du tout, même.
  • Encore cinq ans, d'Audrey Pleynet : la Terre ne va pas bien, mais une solution existe : mettre tout le monde en animation suspendue mis à part quelques spécialistes, le temps que l'environnement se rétablisse un peu. Mais combien de temps faudra-t-il attendre ? Au fond, la Terre et son écosystème ne se porteraient-ils pas mieux si l'être humain se mettait à émuler la Belle au bois dormant ? Et l'humanité ne se porterait-elle pas mieux, si le siècle de sommeil se prolongeait encore et encore ? Voici une pièce étrange et fascinante, bravo !
  • N'utilisez pas le dixième bouton, de Pierre Raufast : chaque vaisseau d'exploration possède un panneau permettant de communiquer avec la base terrienne, muni de dix boutons véhiculant chacun son propre message, le dixième étant dévolu au signal de rappel immédiat depuis la Terre... alors, pourquoi plusieurs vaisseaux ont-ils disparu dans la même région de l'espace en activant ce fameux bouton ? Voici une pièce quasi-digne d'Asimov, humoristique et humaniste, qui n'oublie pas de rappeler que l'espace doit parfois être contemplé plutôt qu'exploré : bravo !
  • D'où viennent les nuages, de Régis Goddyn : Alidor va entreprendre une expédition dangereuse, dont les nouvelles seront attendues avec impatience au centre de son monde plat : il va se rendre vers les bords de la planète, là où la gravité attire de plus en plus fort vers le Lac central et où l'air se raréfie. Convaincu d'entreprendre le voyage suite à une déception amoureuse, il ne doute pas que la mort l'attend vers le bord... à moins qu'il n'y trouve autre chose encore ? De nos jours où bien trop de gens commencent à douter de la forme réelle de notre Terre, il est toujours étonnant de lire un texte où le monde est plat - et très appréciable de voir que l'auteur se joue de son lecteur jusqu'au bout. Bravo !
  • Ce que chuchotait l'eau, d'Anne Fakhouri : Keu, frère du Roi Arthur, a été l'un de ses chevaliers avant de devenir son sénéchal et de tenir les comptes du royaume. Envoyé inspecter ceux d'une petite seigneurie affligée d'inondations depuis quelques années, il découvre qu'une créature surnaturelle vit dans sa rivière... et que cette vouivre possède sur lui un étrange pouvoir de séduction... Je méconnais trop le cycle arthurien pour être en mesure d'identifier ce qui s'y trouve ajouté ici. Je retiens surtout de ce texte qu'il évoque la vanité de certaines ambitions - ainsi que la cruelle indifférence que l'être humain peut avoir pour ses semblables.
  • Jeunes et sans limites, nouvelles d'Anouk Lacour (Opération R-A-N en catégorie Primaire), de Suzanne Bidère (Des graines dans la neige en catégorie Collège) et Fémi Riousse & Mathias Richard (Etienne Wxa en catégorie Lycée) présentées par Jeanne-A Debats : textes gagnants du concours des Utopiales jeunesse.
Je terminerai cette chronique en remerciant mes confrères et consœurs de la blogoSFFFère, qui ont bien voulu me procurer un exemplaire dédicacé par les auteurs présents aux Utopiales 2023. En effet, je n'y ai pas été cette année à nouveau et dans la mesure où ma présence à une édition future du festival est plus improbable que de la pluie sur Arrakis, je n'aurais pu disposer de ce bel objet de collection sans leur aide. Merci à eux !

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