Les blogueurs parlent aux blogueurs : le Syndrome Quickson


Au début des années 2010, l'excellent Gromovar avait pris une initiative chaleureuse et passionnante : il s'agissait d'interviewer les blogueurs de ce qui était déjà le Planète-SF, réalisant ainsi une oeuvre de connaissance de la blogoSFFFère.
 
En ce début des années 2020, cette communauté a changé : des anciens sont partis, d'autres sont toujours là, et des nouveaux sont arrivés. Le moment, d'après moi, est revenu de faire le point et de nous interroger en tant que blogoSFFFère sur nos aspirations et nos liens communs. Avec la permission de Gromovar, inventeur du concept, je reprends par conséquent la rubrique Les blogueurs parlent aux blogueurs !

Et aujourd'hui, c'est au tour de Laird Bob Fumble de nous parler de lui...



    1. Bonjour, peux-tu te présenter en deux mots (tu peux être aussi bref que tu veux… jusqu’au néant)

Laird Bob Fumble, enchanté. Libraire dans l’âme, bloggeur dans les faits, mais ça va, d’une certaine manière, c’est assez proche.


    2. Pourquoi avoir créé un blog ? Est-ce le premier ? Le seul ?

Au départ, c’était pour combler mon temps trop libre après la fin de mon apprentissage en librairie. J’avais plus de boulot et je me suis dit qu’un blog littéraire, c’était une bonne manière de faire vivre mon rapport avec le milieu ; d’autant qu’en peu de temps, j’avais eu la chance de créer des liens assez forts – à mon échelle – avec certaines ME et auteurices. Je me disais que ça faisait bien sur le CV. Bon, au final, le boulot de libraire s’est jamais concrétisé, mais ç’a débouché sur plein d’autres choses positives. Probablement une des meilleures initiatives de ma vie. C’est rigolo, parce que l’idée du blog me travaillait depuis des années, et il aura fallu une série de déclics et d’événements sans aucun rapport pour que je me décide enfin. Du coup oui, le premier, et sans aucun doute le dernier. L’avantage c’est que je me suis jamais fixé de ligne édito autre que mes envies, donc je peux le faire évoluer en fonction de mes humeurs. Idéalement, j’aimerais bien le tenir tant que j’en suis capable.


    3. Combien de temps y consacres-tu ?

Aucune idée. À vue de pif, entre les lectures et l’écriture des chroniques, en ajoutant les quelques activités annexes, un bon tiers de mon temps, je dirais. J’imagine que la réponse la plus précise serait : le temps qu’il faut.


    4. Blogues-tu tout ce que tu lis ?

Oui, c’est l’une de mes seules règles cardinales.


    5. As-tu déjà lu certains livres simplement parce que tu te disais que ça pourrait faire un article intéressant pour ton blog ?


En dehors des SP, tu veux dire ? :p En vrai, oui. Genre ma lecture du Lolita de Nabokov ou ma plongée dans certaines vieilleries trouvées en occasion n’ont quasiment été motivées - au départ – que par mon envie d’en écrire la chronique. Certaines de mes lectures ne sont précieuses pour moi que par le truchement des découvertes que je fais au moment d’en parler ; j’ai une démarche quasi dialectique avec moi-même, pendant la rédaction, parfois, et c’est un sentiment absolument grisant.


    6. Lis-tu en VO ? Si oui, en quelles langues ?

J’adorerais, et j’en suis absolument capable en anglais, mais malheureusement, sans que j’arrive à me l’expliquer, je fatigue très vite quand je lis dans une autre langue que le français, donc c’est impossible. Je me console en me disant qu’au moins comme ça je peux mettre en avant le formidable travail de nos traducteurices ; on a un vivier exceptionnel en France, faut en profiter.


    7. Blogues-tu avec ou sans roleplay ? Si c’est le cas, que représente ce roleplay pour toi ?

Intuitivement, je te dirais que non, j’ai horreur de faire semblant en général, et surtout quand il s’agit de donner mon avis. Je suis même assez fier de mon travail sur moi-même pour exprimer mes ressentis à propos de mes lectures avec autant de précision et de nuance que possible ; je pense que ce serait moyennement compatible avec le moindre RP. Après, dans cette optique d’honnêteté aussi radicale que possible, je dois bien admettre que quand j’écris, j’en fais un peu plus que dans la vie réelle : c’est tellement amusant d’en faire des caisses avec les mots, parfois. Du coup, force est de reconnaître qu’il y a forcément un peu de RP dans mon style sur le blog. D’abord parce que je me censure parfois, pour éviter d’être méchant – une autre de mes règles cardinales – juste parce que je sais très bien que certains de mes ressentis les plus durs sont injustes ou infondés, ou tout bêtement parce que je sais que certains éléments pourraient être néfastes à la réputation d’un bouquin qui essaie de se vendre dans un environnement hyper compétitif et parfois cruel ; je garde certaines choses pour moi. L’essentiel, pour moi, c’est que les gens trouvent des éléments pertinents dans mes chroniques, que ce soit pour se motiver ou non à lire un bouquin qu’ils n’auraient pas encore lu ; ou des aspects inédits d’un bouquins qu’ils auraient déjà lu. Et si je peux faire ça en leur faisant passer un bon moment de lecture en plus, c’est parfait. Du coup, je préfère assumer mon côté un peu hyperbolique et littérairement too much que de m’astreindre à un sérieux qui ne me ressemblerait pas. De toute façon, si je faisais ça, je ne m’amuserais plus du tout, donc ça n’aurait aucun intérêt ; je suis pénible quand je m’ennuie.


    8. Depuis combien de temps lis-tu de la SFFF ?

J’ai 33 piges, donc 25 ans, à vue de nez. Dès que j’ai su lire et faire des choix, je me suis porté vers l’Imaginaire en priorité.


    9. A quel rythme lis-tu ?

Si on s’en tient aux stats du blog depuis son lancement, j’en suis à environ deux bouquins par semaine, en moyenne. Ça fluctue en fonction de ma forme et de mes humeurs, je peux faire beaucoup plus comme infiniment moins, mais sur le temps long, c’est à peu près ça.


    10. Que trouves-tu dans nos littératures de genre ?

Oulah, on commence à rentrer dans le dur, là. Tellement de choses, en vrai. J’imagine que l’idéal est (déjà) de citer la Mort de Pratchett pour m’expliquer en peu de mots : "Les humains se croyaient désireux de sortir d'eux-mêmes, et tous les arts qu'ils imaginaient les y faisaient entrer davantage." Pour moi, dans le genre, on trouve ce décalage qui permet de regarder notre réalité au travers d’un prisme nouveau. Je crois sincèrement que quand on fait juste de la mimesis, on rate toujours quelque chose au moment de la transition entre réalité et fiction. Quand on se contente de tenter de décrire le réel tel qu’on le perçoit, on perd quelque chose, et le résultat ne peut plus être fidèle à l’idée de départ. Alors qu’en assumant d’office cette perte et en compensant dans l’autre sens, avec des choses qui de fait n’existent pas, et bah on retrouve ces trucs perdus, mais exprimés autrement. Et paradoxalement, et merveilleusement, c’est en racontant des choses qui n’existent pas, qu’on raconte ce qui est. J’ai plus souvent ressenti des choses qui me paraissaient réelles dans des histoires complètement fausses, mais qui par un effet d’écho, m’évoquaient la vérité. C’est ça que je trouve dans le genre. Y a une forme de sincérité nue cachée sous les oripeaux d’un mensonge partagé. (Ça se la pète un peu, j’avoue. Mais n’empêche que c’est complètement ce que je pense.)


    11. Partages-tu cette passion avec ton entourage ?

J’ai cette chance, oui. Jamais eu à forcer avec mon père, mon frangin ou ma copine, qui en ont toujours lu, comme moi ; mais encore mieux, on a réussi à y faire doucement entrer ma mère, depuis quelques années, et c’est assez formidable.


    12. Quelle a été ta première lecture SFFF ? Te souviens-tu de l’occasion qui t’a amené à cette lecture ?

Je suis super content de m’en souvenir, parce que c’était très tôt : Mon prof est un extraterrestre !, dont notre instit de CE2 ou CM1 nous lisait un chapitre par semaine. Je m’en souviens autant pour les couvertures complètement pétées de la série en bibliothèque verte que pour le scandale qu’on a collectivement fait à une remplaçante qui refusait de nous faire notre séance de lecture au prétexte qu’elle trouvait le bouquin débile. On était allé jusqu’à déranger le directeur de l’école pour y avoir droit ; elle était vexée comme un pou, c’était très drôle. J’ai jamais su si elle faisait exprès de mal prononcer le prénom du héros, du coup. (Il s’appelait Peter, je te laisse imaginer l’hilarité pour des enfants de 9 ans.)


    13. Peux-tu nous décrire un (ou plus) grand souvenir de SFFF ?

Impossible ; y en a beaucoup trop. Entre ma première lecture de Rama, ma découverte de Pratchett, celle de Roland C. Wagner, celle de Rozenn Illiano, de Catherine Dufour, de la saga Terra Ignota, Sturgeon, Simak… C’est toute la beauté de la chose, c’est une infinité de découvertes toutes plus dingos les unes que les autres qui s’enchaînent. À la rigueur, je pourrais faire un effort avec ma lecture de L’oeuf du Dragon de Robert Forward. SP gracieusement envoyé par Mnémos, auquel honnêtement, je ne croyais qu’à moitié, le précédent ayant été une assez grosse déception. Mais bref, je le commence, et franchement, le début était pas dingo. Ça semblait vieux, entre le côté un peu libidineux du protagoniste et le techno-babble, j’étais pas emballé. Et puis en fait, à un moment, le bouquin bascule ; je comprends ce qu’il voulait vraiment raconter, et pourquoi il avait pris un peu son temps jusque là. Et là, ce sentiment d’épiphanie, quand la lumière se fait, c’est indescriptible. T’sais, la faim de lire qui d’un coup te dévore, quand l’idée même de lâcher ta lecture te paraît inenvisageable, que ce soit pour aller manger ou aux toilettes – après le prochain chapitre, à la rigueur. Ce moment où t’as plus d’autre plan dans ta vie, plus aucune autre perspective que juste aller au bout. Je crois que j’ai lu 70 pages un peu péniblement en une matinée, et que j’ai lu les dernières en une après-midi, d’une traite. C’était fabuleux. Et ce qui est encore plus fabuleux, c’est que c’était pas la première fois que je vivais un truc pareil ; ça tient presque de la consommation de drogue, d’une certaine manière, je vis un peu pour la chasse de ces moments-là dès que j’ouvre un bouquin. Ma chance, c’est que j’arrive encore à les vivre régulièrement. C’est un putain de privilège.


    14. Quel est le livre qui t’a le plus marqué récemment ? (Répondre sans réfléchir)

Les enfants sont calmes, de Kevin Wilson. Il révolutionne rien, il ne prétend pas à grand-chose, mais bon sang qu’il fait les choses bien. Je me suis régalé de bout en bout. Du pur plaisir bien intentionné, avec des persos super attachants et un traitement super personnel d’un sujet d’une certaine manière vu et revu, mais avec juste ce qu’il faut de twist et de personnalité pour que ça me touche. J’adore aussi ce bouquin parce qu’il me paraît super facile à prêter.


    15. Vers quelle étiquette SF, F, ou F, va ta préférence ? Et pourquoi ?

Les faits statistiques tendraient à dire à ma place que c’est la SF que je préfère, sans doute parce que c’est le genre qui des trois est le moins codifié, ou du moins le plus largement codifié et donc celui dont les sous-genres laissent le plus de latitude à cielles qui en écrivent. Sans doute le genre qui peut se permettre le plus de libertés thématiques et narratives sans risquer de trop brusquer les habitudes de son lectorat. Mais si j’y réfléchis un peu, je dois bien dire que ce que je préfère par dessus tout, ce sont les récits qui explosent les étiquettes. Je pense sincèrement que la SF, la Fantasy et le Fantastique, c’est la même chose, mais avec les potards poussés plus ou moins loin : c’est plus un très vaste spectre qu’une grille, à mes yeux. Et du coup, quand je lis des récits qui jouent là-dessus, ça m’éclate. Que ce soit de la pure hybridation à la Eschatôn ou des trucs un peu plus metas ou techniques, qui jouent avec le degré de connaissance du lectorat, j’avoue que c’est grave ma came.


    16. Comment ont évolué tes goûts entre tes débuts en SFFF et aujourd’hui ?

Hm. J’aimerais croire que mes horizons se sont élargis, avant tout. Que je suis beaucoup plus capable qu’auparavant de m’imprégner des intentions de l’auteurice pour pouvoir apprécier leur travail en fonction de ces ambitions, plutôt que de mes attentes. Mais ma limite est vraiment devenu le style, je crois, quand même. D’avoir fait de cette métrique l’alpha et l’omega pour plein de gens, ça me dépasse. Je ne supporte plus les textes où j’ai le sentiment que l’auteurice se met un signe au néon au dessus de la tête pour se mettre en avant aux dépens de son texte. Quand toutes les phrase contiennent trois figures de styles différentes pour raconter des choses banales, ça me gonfle, mais d’une force. C’est vraiment un truc que j’ai réalisé au long cours : le style, ça s’économise. Il faut savoir l’utiliser quand ça a de l’impact au service du récit. Sinon, c’est juste de la prétention mal déguisée. Qui m’agace d’autant plus qu’elle semble oublier que les métriques de ces questions là sont fluctuantes.


    17. Quels sont tes auteurs préférés ? Pourquoi ?

Alors. Je me limite à 10, sans hiérarchie aucune, et en sachant pertinemment que c’est injuste et qu’il en manquera forcément. Mais on a là un très bon échantillon de mon Panthéon Personnel.
  • Terry Pratchett, évidemment. Je crois que mon Tour du Disque fera le boulot d’explication mieux que moi, je suis pas là pour une prise d’otages.
  • Rozenn Illiano, le secret le plus scandaleusement gardé de l’Imaginaire francophone, et je pèse mes mots. Son univers et ses personnages sont des merveilles absolues ; je n’ai pas lu un bouquin signé de son nom que je n’ai pas aimé.
  • Catherine Dufour, sans aucun doute une des plumes les plus fulgurantes que j’ai jamais lues. Une patte et un ton uniques qu’on ne peut confondre avec personne d’autre.
  • Charles Yu, un auteur d’une versatilité et d’une inventivité incroyables.
  • Ken Liu, un autre auteur majeur dont on ne parlera jamais assez.
  • Lionel Davoust, parce qu’Evanégyre. (Chunsène forever. ♥)
  • Roland C. Wagner. Si ce n’était que Rêves de Gloire, mais non, il a fait les Futurs Mystères de Paris, aussi.
  • Becky Chambers, parce que sous la douceur évidente, il y a un œil et une réflexion rares.
  • Theodore Sturgeon, qui je pense avait compris beaucoup de choses et les exprimait avec une sagesse et une efficacité qui manquent encore à beaucoup trop de gens bien longtemps après son œuvre. Il n’était pas tant en avance que l’humanité est en retard.
  • Clifford Simak : la même chose, mais en différent. Mais surtout la même chose.
Basiquement, pour tous ces gens là, tu peux tracer des traits thématiques et humains qui se recoupent plus ou moins et qui expliquent mon attachement à leur travail. Chez tous ces gens là t’as des fulgurances conceptuelles soutenues par un profond et solide amour de l’humanité : leurs idées n’existent complètement qu’au travers de leurs personnages, et les deux ont une relation symbiotique qui suinte au travers des pages. Les œuvres de ces gens représentent l’essentiel des aspects idéaux de ce qu’on devrait collectivement être, je trouve. Une bienveillance lucide ou une espièglerie salvatrice, un équilibre entre les rires et les larmes, une tendresse quasi transcendantale, un truc singulier… Je les aime très très fort.


    18. Y a-t-il des livres que tu regrettes d’avoir lu (temps perdu) ? D’autres que tu aurais regretté de ne pas voir lus ?

Oui et non. Disons que philosophiquement, aucune découverte n’est une perte ; au pire ça te tanne le cuir et ça te permet de redessiner les frontières de tes goûts, même si c’est un tout petit peu. Je dirais même que ça te permet a minima de pouvoir en parler en toute connaissance de cause avec quelqu’un·e qui te demande ton avis ou qui n’est pas d’accord avec toi. Après, bon… Ouais, y a quelques bouquins qui ne m’ont pas apporté grand-chose d’autre que de la bile à redistribuer, c’est vrai. Dans l’absolu, j’aurais préféré ne jamais lire Chaque femme est un roman d’Alexandre Jardin (c’était pour un pari) ou Swa de Daniel Walther (c’était un SP), parce que j’aurais pu consacrer mon énergie à des bouquins autrement plus intéressants et qui ne m’auraient pas autant pesé sur l’esprit au point de les ressortir de façon pavlovienne dès qu’on me pose une question comme celle-ci. C’est vrai que je préférerais plus volontiers pouvoir convoquer des bouquins que je trouve tout aussi mauvais, mais qui au moins m’ont donné de quoi rire et que je peux aimer comme des nanars littéraires ; typiquement n’importe quel Jimmy Guieu ou Ajedhora de Francis Lalanne. C’est ambivalent. Au bout du bout, je crois que je penche plus du côté de l’absence de regrets. À une époque où on a accès à tant de choses, pouvoir placer le curseur de ce qu’on ne veut pas ou plus lire, c’est précieux pour gagner du temps au moment de faire des choix. Quant à regretter des bouquins que je n’ai pas lus, non. J’ai fait la paix avec ça : trop de bouquins, pas assez de temps, même en optimisant mon temps disponible à fond, c’est mathématiquement insoluble. Je fais des choix, et c’est tout.


    19. Y a-t-il des auteurs dont tu lis tout (ou voudrais pouvoir tout lire) ?

Oui, plein. Toustes cielles de mon Panthéon Personnel, déjà, et puis quelques autres, incidemment. Mais je cultive plus l’éclectisme que la spécialisation, quand même ; je goûte mieux à ce que j’aime quand j’ai de quoi créer du contraste avec le reste.


    20. Vas-tu voir les auteurs sur les salons ? Ramènes-tu des interviews, des photos, des dédicaces ?

Autant que possible, oui, même si c’est une terrible contrainte financière, rien que pour les déplacements. Je vise uniquement les discussions impromptues et les dédicaces. Je suis pas très photo de base, et les interviews, je ne suis bon qu’à y répondre ; si j’ai un esprit assez analytique, je ne suis pas fan de trop explorer l’esprit des auteurices que je lis. La cuisine m’intéresse plus que les cuisinier·e·s, sans vouloir offenser personne.


    21. Que penses-tu de l’œuvre de Bernard Werber ? Et de celle de Maxime Chattam ?

Je ne connais absolument pas Chattam, et je n’ai aucun a priori sur lui ou son travail, dans un sens ou dans l’autre. Je serais curieux de le lire un jour, cependant. Werber, par contre, c’est plus compliqué. D’un côté, je lui suis éternellement reconnaissant, il a été un architecte primordial de ma curiosité littéraire et scientifique dans mon adolescence, et je pense qu’il a été une porte d’entrée absolument formidable pour plein de jeunes gens de ma génération et celles qui ont suivies vers l’Imaginaire et la littérature en général. De l’autre, je pense que c’est un type qui a pris un melon terrible en écrivant des bouquins finalement extrêmement dérivatifs et légers sur le plan des idées, qui s’est très vite fondamentalement répété sur le fonds comme sur la forme, et à qui personne n’a osé lui dégonfler les chevilles. Werber, c’est la piscine de l’expression disant qu’on trouve la piscine profonde tant qu’on a pas nagé dans l’océan. Il a fallu que je passe par lui en le révérant naïvement, puis outre lui pour me rendre compte qu’il n’était finalement pas un écrivain si formidable que ça, ni un être humain extrêmement recommandable. J’ai une relation assez ambivalente avec lui, comme tu peux le voir.


    22. Tes fournisseurs : librairies, bouquinistes, Internet ?

Les trois, tout dépend de mes besoins. À noter que quand je dis Internet, c’est de l’occasion ou directement chez les ME. On respecte le métier tant que possible, ici.


    23. BD, comics, mangas, ou non ?

J’adorerais être réceptif au neuvième art, malheureusement, j’y suis pour l’essentiel complètement hermétique. Y a une composante esthétique majeure dedans qui ne me touche absolument pas. Du coup, comme je ne prend jamais le temps d’admirer correctement les planches ou le découpage, le texte défile trop vite et je suis systématiquement frustré à la fin de mes lectures ; j’ai l’impression de n’avoir rien lu et de ne pas être rassasié. Mais un jour, peut-être, je ferai un effort ; je sais que beaucoup d’œuvres valent le coup. J’en ai même lues, fut un temps.


    24. Lis-tu aussi de la littérature « blanche » ? Si oui, qui aimes-tu particulièrement parmi les auteurs étiquetés « blanche » ?

*Insérez ici un petit rire sardonique* J’ai un rapport compliqué à la blanche, conflictuel. Fondamentalement, je n’ai rien contre, et je suis assez sûr de pouvoir en lire que j’aimerais, je l’ai même certainement déjà fait. Le truc, c’est que la blanche recouvre beaucoup de choses. Déjà, dedans, il y a beaucoup de ce que j’appelle de « l’Imaginaire timide », des textes qui sont clairement du genre, mais camouflé derrière des étiquettes qui font bon genre auprès des gens qui regardent le genre de haut tout en en lisant sans s’en rendre compte ou pire, en faisant semblant de ne pas s’en rendre compte. Typiquement, énormément de ce qu’on appelle des classiques sont du genre vaguement déguisé, mais dont on extrait tout l’aspect imaginaire pour ne pas se salir au moment d’en parler. Après, ouais, on a toute une branche d’autofiction embourgeoisée très à la mode depuis des années qui personnellement m’emmerde au plus haut point et qui ne saurait absolument pas m’intéresser ; je ne suis pas du tout le public. On en revient à ce que je disais plus tôt sur la mimesis : je côtoie suffisamment la réalité pour avoir envie de me divertir avec, même pour une valeur testimoniale importante. À ce compte-là je préfère autant entendre le témoignage en direct et juger sur pièce. Dès lors qu’on essaie d’enjoliver la réalité avec des figures de style, j’ai tendance à me méfier. Je serais sans doute moins critique et - je l’admets – hautain avec la production de blanche la plus mise en avant dans le système médiatique si elle était plus populaire et moins symptôme de l’entre-soi des « élites intellectuelles » qui adorent se regarder le nombril. Le truc, c’est bien que cette analyse là, je la fais avec de plus en plus de certitude depuis des années, et du coup, je m’éloigne de plus en plus de la blanche. Tout en sachant qu’il y a aussi une grosse part de réactance de ma part là-dedans, je ne me leurre pas : j’aime bien le relatif confort de ma position marginale au sein de la niche Imaginaire, quand bien même cette dernière se vautre ponctuellement dans les exacts mêmes écueils. Alors là aussi j’ai un peu fait la paix avec l’inéluctable : je ne lis que du genre, à de rares exceptions bien motivées par des conseils avisés. C’est comme ça que j’ai lu du Laurent Gaudé, que j’adore. Sans me faire d’illusions non plus : il est classé en blanche, les trois textes que j’ai lus de lui étaient de la proto-fantasy, un conte et du fantastique.


    25. Tentative de Weltanschauung : qu’aimes-tu comme musique ? Comme cinéma ? Quel est ton loisir favori ? Plutôt matérialiste ou idéaliste ?

Niveau musique, j’écoute de tout, même si mon cœur penche d’instinct vers le rock et le metal, c’est un peu comme en lecture, finalement. Cinéma, même chose, avec là aussi quelques faibles pour quelques réal’ et genres particuliers, mais globalement, dès lors que c’est bien fait et qu’on ne m’inflige pas des scories qui m’affligent, je me laisse très facilement embarquer. Niveau loisirs, on a fait le tour, du coup : cinéma, musique, lecture. J’ai fait du JdR, fut un temps, mais le milieu et la vie d’adulte m’ont perdu.


    26. As-tu une liseuse ? Quel est ton rapport à la lecture numérique ?

Pas de liseuse mais un logiciel de lecture sur mon ordi. Ponctuellement, c’est pratique, mais je trouve le papier plus confortable ; et c’est plus facile de donner envie de lire et partager ma bibliothèque quand elle est visible dans une pièce de la maison. Le numérique est un bon complément au papier pour qui en a l’usage.


    27. Quel est ton rapport à Internet ? Connecté depuis longtemps ? Quel est ton rapport aux réseaux sociaux ?

Internet c’est l’humanité. Avec tout ce que ça comporte de bonnes et de très mauvaises choses. Et du coup mon rapport avec se résume de la même manière. Je cloisonne, je fais des choix. L’essentiel de ma vie sociale et de mes meilleurs aspects sont sur le net et les réseaux. Je suis un peu terminaly online, mais franchement je le vis plutôt bien.


    28. As-tu des projets d’écriture de fiction, ou est-ce que tu en as eu par le passé ?

J’ai un projet qui fait des petites bulles sous la surface depuis quelques semaines, alors que je me suis juré en début d’année qu’on ne m’y reprendrait plus jamais. Mais c’est un truc un peu spécial, alors je vais peut-être m’accorder un joker, on verra. J’ai écris deux romans, quelques nouvelles et autres fragments littéraires, disponibles sur le blog mais plus répertoriés ; maintenant que j’ai réalisé que j’étais capable d’aller au bout d’un projet littéraire, j’ai surtout compris que ça me confrontait à des aspects de moi que je détestais et qui me rendaient profondément malheureux, alors je me suis dit que c’était pas la peine de pousser. D’autant que même si je suis très fier de ce que j’ai écrit, et que j’en suis vraiment content, je suis bien conscient que j’étais un écrivain passable. Je préfère largement mon rôle de relecteur, je pense que j’y excelle, pour le coup. En tout cas personne ne s’est jamais plaint.


    29. Sans y répondre, quelle question aurais-tu aimé que je te pose ?

Un truc sur mon rapport à la blogosphère ?


    30. Une dernière chose à dire au lectorat en délire ?

Et bah merci, c’était trop bien. Réclamez des relances de question, j’ai adoré, je veux refaire.

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