Les blogueurs parlent aux blogueurs : Yuyine

Au début des années 2010, l'excellent Gromovar avait pris une initiative chaleureuse et passionnante : il s'agissait d'interviewer les blogueurs de ce qui était déjà le Planète-SF, réalisant ainsi une oeuvre de connaissance de la blogoSFFFère.

En ce début des années 2020, cette communauté a changé : des anciens sont partis, d'autres sont toujours là, et des nouveaux sont arrivés. Le moment, d'après moi, est revenu de faire le point et de nous interroger en tant que blogoSFFFère sur nos aspirations et nos liens communs. Avec la permission de Gromovar, inventeur du concept, je reprends par conséquent la rubrique Les blogueurs parlent aux blogueurs !

Et aujourd'hui, c'est au tour de Yuyine de nous parler d’elle...

Image par Enaelle arts

    1. Bonjour, peux-tu te présenter en deux mots (tu peux être aussi bref que tu veux… jusqu’au néant)

Bonjour et merci beaucoup de m’avoir invité à participer. Je suis Yuyine, blogueuse, bretonne exilée en Belgique, libraire et ancienne bibliothécaire.


    2. Pourquoi avoir créé un blog ? Est-ce le premier ? Le seul ?

L’idée de blog de critiques vient au tout départ d’une amie qui voulait co-écrire un blog avec moi pour qu’on y rédige nos avis sur les nombreux films que nous allions voir. Mais quand j’ai commencé à le créer et à écrire, je me suis finalement retrouvée seule dans l’aventure. Et de fil en aiguille, il était logique pour moi de continuer de proposer mes avis et d’étendre ça aux livres qui sont devenus finalement majoritaires. Parler bouquins c’était communiquer sur ma passion alors que personne ne lit vraiment dans mon entourage. J’ai commencé en 2011 puis créé officiellement le blog actuel en 2014. Avant cette belle époque, je fus jeune et comme beaucoup j’ai eu aussi une époque plus sombre sur Skyblog. Mais, déjà là-bas, entre deux textes profondément cringe d’ado torturée, je faisais de la micro-critique.


    3. Combien de temps y consacres-tu ?

C’est difficile à estimer. J’ai eu tendance à beaucoup me mettre la pression et des deadlines par le passé mais depuis quelques années je le fais à nouveau au feeling. Tout dépend finalement de mon rythme de lectures, de mon envie aussi. Avec mon rythme de vie actuel, je pense que j’y passe 5-6h par semaine en moyenne mais ça peut passer de 2h à 15h en fonction de ce que j’ai envie d’y faire et du temps que j’ai.

    4. Blogues-tu tout ce que tu lis ?

Je blogues à 98% tout ce que je lis. Il m’arrive, pour des micro-critiques, de n’utiliser que les réseaux sociaux mais j’en parle tout de même à minima dans mes bilans du mois. C’est mon journal de lectures ce blog.


    5. As-tu déjà lu certains livres simplement parce que tu te disais que ça pourrait faire un article intéressant pour ton blog ?

Je ne pense pas, du moins je n’en ai pas le souvenir. Le choix de mes lectures ne se fait pas en fonction de l’intérêt de l’article. C’est plus sujet à l’actualité du moment (entre les service presse reçus et mon travail de libraire) mais aussi, et j’y tiens, à mes envies lectures.


    6. Lis-tu en VO ? Si oui, en quelles langues ?

Je lis très peu en VO mais il m’arrive une fois de temps en temps de livre en Anglais quand je suis impatiente de découvrir une suite non-traduite notamment.


    7. Blogues-tu avec ou sans roleplay ? Si c’est le cas, que représente ce roleplay pour toi ?

Je blogue sans roleplay. Ça ne me serait jamais venu à l’esprit très honnêtement. Je suis 100% moi-même.

    8. Depuis combien de temps lis-tu de la SFFF ?

D’aussi loin que je m’en souvienne j’ai lu de la SFFF. J’ai cependant eu une pause assez massive avec le genre durant mes études par manque de temps et de budget. C’est redevenu majoritaire dans ce que je lis depuis, même si je pioche encore dans d’autres registres.


    9. A quel rythme lis-tu ?

Avec mon ancien job, j’avais plus de temps et je pouvais lire un livre tous les deux jours. Mon rythme de vie a changé et avec lui mon rythme de lectures. J’ai lu une centaine de livres en 2024 et ça me convient très bien même si ma pile à lire ne semble pas vouloir diminuer. J’ai également fait un burn-out il y a quelques années qui a changé un peu ma façon de faire. Je ne me mets plus de pression sur la lecture pour qu’elle reste une passion et ne devienne en aucun cas un poids ou une obligation. En conséquence, parfois je lis deux livres par mois, parfois une dizaine. Je m’écoute plus. J’en profite d’ailleurs pour vous inviter à prendre soin de votre santé mentale, c’est important.


    10. Que trouves-tu dans nos littératures de genre ?

J’y trouve beaucoup de choses. De l’évasion évidemment, parfois même de l’espoir si je me tourne vers du solarpunk. Mais c’est surtout le regard que le genre nous invite à poser sur notre société et sur nos possibilités d’avenir que j’aime beaucoup. Les littératures de l’imaginaire incitent à la réflexion, favorisent l’imagination et nous ouvrent aux autres comme à nous-mêmes.


    11. Partages-tu cette passion avec ton entourage ?

Pas vraiment. Avec quelques collègues libraires oui, mais mon entourage proche est peu friand de lectures. Le blog et les réseaux autour ont cependant fait naître quelques relations et amitiés avec qui, évidemment, le partage de passion est évident et mutuel. C’est la magie d’internet et c’est ce qui me pousse à continuer encore et encore: le plaisir de partager.


    12. Quelle a été ta première lecture SFFF ? Te souviens-tu de l’occasion qui t’a amené à cette lecture ?

Mon premier gros souvenir de lecture SFFF ça doit être celle du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien quand j’avais 8 ans. J’étais tombée dessus à la bibliothèque et, curieuse, je m’étais plongée dedans sans parvenir à en sortir. J’ai cependant regretté de l’avoir choisi quand il a fallu faire une fiche de lectures comprenant la description de chaque personnage à l’école.


    13. Peux-tu nous décrire un (ou plus) grand souvenir de SFFF ?

Immédiatement, je pense à ma première découverte des livres de Becky Chambers. Alors que je sortais d’une grosse période de dystopies, lire Becky Chambers m’a procuré un bien fou. J’ai même retrouvé espoir en l’humanité le temps de ma lecture ! Et ça, c’était inespéré. Depuis, j’ai lu toute sa bibliographie et l’effet s’est reproduit à chaque fois. Un bien fou qui m’aura beaucoup aidé à affronter mon pessimisme naturel. Je pense aussi à ma première découverte des BD Yoko Tsuno et Valérian et Laureline à la bibliothèque quand j’étais gamine. Je découvrais des personnages féminins très chouettes qui vivaient des aventures dans l’espace et c’était tellement enthousiasmant! J’y allais sans cesse pour les lire en cachette parce qu’à cette époque, on m’inculquais que les BD c’était pour les garçons. Ce furent donc mes premières lectures subversives et d’excellents souvenirs.


    14. Quel est le livre qui t’a le plus marquée récemment ? (Répondre sans réfléchir)

Le tome 2 de Moi ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris chez Monsieur Toussaint Louverture. Une claque graphique et narrative comme le tome 1. Un chef-d’œuvre.


    15. Vers quelle étiquette SF, F, ou F, va ta préférence ? Et pourquoi ?

La SF sans hésiter. Notamment pour les récits d’anticipations, positives ou négatives et le miroir qu’elles tournent vers notre société. J’ai beaucoup lu de Fantasy par le passé, je m’en suis profondément lassée. Je n’y retourne que pour des récits qui sortent du lot ou qui proposent de nouvelles voix dans le paysage SFFF. Pour le Fantastique, je continue à en lire, j’aime toujours énormément ça mais ça reste très loin derrière la SF dans mon nombre de lectures.


    16. Comment ont évolué tes goûts entre tes débuts en SFFF et aujourd’hui ?

Mes goûts se sont affinés avec le temps. J’avais tendance à lire de tout, à essayer, quitte à ne pas aimer. Aujourd’hui, je cible mieux les textes que je lis même si quelques déconvenues restent possibles. Si je me tourne encore vers quelques classiques, notamment d’autrices qu’il me reste à découvrir, j’ai de plus en plus tendance à préférer des textes plus modernes que je trouve souvent plus audacieux. J’ai aussi un penchant de plus en plus fort vers des récits de SF positive, alors que j’ai dévoré des post-apo et dystopies terribles pendant des années. Le monde ressemble suffisamment à ces textes pour que je veuille une autre évasion je suppose.


    17. Quels sont tes auteurs préférés ? Pourquoi ?

Je vous ai déjà parlé de Becky Chambers ? Elle est ma dose de réconfort nécessaire à ma survie. Si je dois citer d’autres noms évidents, je dirai Emily St. John Mandel, pour la puissance de ses constructions narratives. Morgan of Glencoe, pour son univers accrocheur, ses personnages inoubliables et l’évasion qu’iel offre. River Solomon pour la puissance dévastatrice de sa plume et le coup de poing qu’iel nous colle à chaque livre. Et David Bry, pour la mélancolie et l’envoûtement que me procurent chacun de ses ouvrages.


    18. Y a-t-il des livres que tu regrettes d’avoir lu (temps perdu) ? D’autres que tu aurais regretté de ne pas voir lus ?

Oui, il y a beaucoup de livres que je regrette d’avoir lu jusqu’au bout. J’ai beaucoup de mal à abandonner mes lectures (mais je me soigne là-dessus). Et je me suis parfois infligé de finir des titres pour lesquels je devais vraiment fournir un effort. Tout ça pour finir par ne rien en retirer si ce n’est de la frustration. Mais, à l’inverse, je me suis parfois plongé dans des livres sans conviction et ce furent des véritables coup de foudre. Il faut que je garde cette envie de laisser une chance à certains titres, tout en évitant de me forcer quand ça ne passe pas du tout.


    19. Y a-t-il des auteurs dont tu lis tout (ou voudrais pouvoir tout lire) ?

Vous connaissez Becky Chambers ? Elle n’est pas la seule, loin de là. Tous les noms cités deux questions plus haut en font partie. Quand j’aime vraiment énormément un ouvrage, j’ai envie de découvrir d’autres titres par le même auteur ou la même autrice. Et si le plaisir se confirme, j’ai envie de tout lire.


    20. Vas-tu voir les auteurs sur les salons ? Ramènes-tu des interviews, des photos, des dédicaces ?

Oui à toutes ces questions (à l’exception peut-être des photos qui sont assez rares). Et même si les interviews sont devenues plutôt absentes sur mon blog par manque de temps. C’est toujours un plaisir de rencontrer les auteurs et autrices qui nous font vivre de belles émotions. Et rencontrer aussi d’autres membres de la blogosphère en salons.


    21. Que penses-tu de l’œuvre de Bernard Werber ? Et de celle de Maxime Chattam ?

Je n’ai jamais lu Bernard Werber. Je n’ai absolument aucune attirance pour ce qu’il écrit. Je n’ai donc rien à en dire. J’ai lu Maxime Chattam par le passé, principalement en thriller avec de très bons titres mais depuis quelques années une grosse baisse de qualité qui m’a fait l’abandonner complètement. J’avais bien aimé la saga Autre-Monde qui se lit avec plaisir et propose quelques originalités sympathiques. Rien de sensationnel mais du plaisir de lecture réel dans ce qui peut constituer une porte d’entrée dans l’imaginaire efficace.


    22. Tes fournisseurs : librairies, bouquinistes, Internet ?

Majoritairement la librairie indépendante où je travaille mais aussi les achats en salons directement sur des stands éditeurs pour des titres qui ne sont pas faciles d’accès en Belgique notamment.


    23. BD, comics, mangas, ou non ?

Un peu de tout. J’en lis peu mais j’aime chacun des genres. J’ai lu beaucoup plus de BD par le passé pour le Prix Imaginales BD des Bibliothécaires dont j’ai été un temps coordinatrice. Depuis je manque de temps.


    24. Lis-tu aussi de la littérature « blanche » ? Si oui, qui aimes-tu particulièrement parmi les auteurs étiquetés « blanche » ?

Je n’en lis quasiment pas. Ou, si j’en lis, ce sont des titres de SFFF publiés en blanche comme Jean Hegland par exemple chez Gallmeister, Laurine Roux aux éditions du Sonneur ou Stuart Turton chez Sonatine.


    25. Tentative de Weltanschauung : qu’aimes-tu comme musique ? Comme cinéma ? Quel est ton loisir favori ? Plutôt matérialiste ou idéaliste ?

J’aime plutôt le rock mais aussi le jazz. J’ai une affinité pour les films d’auteurs mais aussi pour les films d’animation. Mon loisir favori reste la lecture mais j’ai aussi une passion pour le cosplay même si la période du Covid m’a laissé en pause longue durée. Et je crains qu’être plutôt matérialiste même si l’idéalisme grandit en moi.


     26. As-tu une liseuse ? Quel est ton rapport à la lecture numérique ?

Je n’ai pas de liseuse. Je n’arrive pas à me détacher du papier. J’aime trop coller des post-it partout dans mes livres, revenir parfois en arrière, feuilleter, tourner les pages. Je lis de temps en temps en numérique quand cela s’impose mais ce n’est pas une expérience suffisamment agréable pour que j’investisse.


    27. Quel est ton rapport à Internet ? Connecté depuis longtemps ? Quel est ton rapport aux réseaux sociaux ?

Comme beaucoup de gens de ma génération (fin des années 80), j’ai connu le gros boum d’Internet et j’y ai un rapport d’habitude. Concernant les réseaux sociaux, c’est compliqué. Ce fut longtemps une vraie porte vers le monde, les rencontres et les proches. On y avait de beaux échanges, c’était vraiment sympa. Mais depuis quelques temps ça s’est perdu, entre les algorithmes, la multiplication et l’éclatement des réseaux et les sombres c**** à la tête des gros réseaux. J’avoue que je m’en suis fatiguée. Je retrouve un peu de plaisir sur les réseaux du Fediverse où mes échanges sont plus naturels et plus sains.


    28. As-tu des projets d’écriture de fiction, ou est-ce que tu en as eu par le passé ?

Aucun projet d’écriture de fiction. Et je n’ai jamais espéré en écrire par le passé non plus.


    29. Sans y répondre, quelle question aurais-tu aimé que je te pose ?

J’aurais aimé une question sur ce que je trouve important pour un bon livre de SFFF.


    30. Une dernière chose à dire au lectorat en délire ?

Merci beaucoup d’être parvenu à la fin de votre lecture. J’espère vous croiser, vous découvrir ou vous redécouvrir sur mon blog ou mes réseaux. Au plaisir d’échanger avec vous.